La 5eme réunion de l´Association des Sénats
d´Europe Prague, 6 - 8 octobre 2003
Notification des débats
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Chers collegues, chers amis, permettez-moi de vous
accueillir dans l’enceinte du Sénat.
Les cuivres que vous venez d’entendre sont l’oeuvre
du compositeur baroque tcheque Vejvanovský, laquelle fait office de
signal nous convoquant au vote.
Il y a trois ans, sur l’initiative de M.
Christian Poncelet, Président du Sénat de la République
française, plusieurs présidents de sénats d’Europe se réunirent a
Paris, afin de fonder cette association et de préciser les
orientations de son activité. C’était en novembre 2000. Depuis, les
délégations des sénats européens se sont déja réunies a quatre
reprises. Le nombre des chambres représentées a évolué: en 2002, les
chambres hautes de la Fédération de Russie et de Bosnie-Herzégovine
ont rejoint l’association. Nous avons également enregistré des
pertes dans nos rangs: en 2001 la Chambre des Régions croate cessa -
en raison d’importants remaniements constitutionnels - d’etre
membre. Dans le meme temps, la création d’une seconde chambre est
envisagée en Ukraine et des débats ont lieu en ce sens en Slovaquie,
voire en Hongrie. De nombreuses secondes chambres existantes
subissent des réformes qui modifient leurs compétences ainsi que
leur mode de constitution; le theme des secondes chambres est du
reste présent jusque dans les pays qui les ont abolies dans le
passé. Bref, la seconde chambre constitue dans les systemes
parlementaires européens (mais aussi ailleurs), un élément
relativement changeant et instable.
Je vais rappeler, en particulier a l’attention de
ceux parmi vous qui n’ont pas participé a toutes les rencontres qui
se sont tenues jusqu’ici, sur quels themes majeurs nous nous sommes
penchés lors des précédentes sessions.
Le Sénat français fut l’hôte de la premiere et
accueillit des débats portant sur le rapport des secondes chambres
aux collectivités territoriales.
Lors de la deuxieme réunion de travail, a
Bruxelles, nous avions examiné les impacts de l’activité des
secondes chambres sur la qualité des textes législatifs.
A Ljubljana, nous avons abordé les liens entre
bicamérisme, démocratie et société civile.
Enfin, la quatrieme réunion qui s’est déroulée a
Madrid, a été réservée aux fonctions de contrôle des secondes
chambres, ainsi qu’a leur rapport particulier avec les gouvernements
qui agissent au sein du Conseil de l’Union européenne comme
législateur européen.
Il est symbolique qu’il n’existe pas d’association
comparable pour les chambres basses, mais justement uniquement des
associations de chambres hautes ou secondes, peu importe leur nom.
Ceci est sans nul doute lié au fait que l’existence et la
signification politique des sénats sont régulierement remises en
cause et ce, dans la majorité des pays européens ou ce type
d’institution existe. Parfois, la critique porte sur son existence
meme, dans d’autres cas il s’agit d’une critique d’aspects concrets:
composition, activité, décisions particulieres. Dans certains pays
d’Europe, les secondes chambres ont meme été supprimées dans le
passé. Outre la Croatie déja citée le Danemark, depuis 1953, et la
Suede, depuis la fin des années 60, sont également retournés au
monocamérisme. Je tiens cependant a souligner que notre
Association n’a pas été envisagée comme un mécanisme de défense pour
des institutions menacées d’extinction. Nos rencontres n’ont donc
pas pour objet de manifester la solidarité de ceux qui luttent pour
leur survie. Il ne s’agit nullement de cela. Ce n’est pas une
approche défensive qui a caractérisé nos précédentes rencontres et
en tant qu’organisateurs de celle de Prague, nous veillerons a ce
que ce ne soit pas davantage le cas ici.
Le choix du theme pour vos allocutions
d’aujourd’hui et le débat qui va suivre correspondent a notre
résolution. Ce theme tend au contraire a indiquer que la seconde
chambre, si elle est bien conçue et judicieusement insérée dans le
cadre constitutionnel, ne devrait en aucun cas se trouver dans cette
posture exposée aux critiques de ses détracteurs. Par-la, j’entends
l’hypothese ou elle est constituée selon de sages procédures et
entretient un rapport équilibré avec la premiere chambre.
Et s’il s’agissait néanmoins de défendre quelque
chose, alors ce serait le bicamérisme comme expression d’une
certaine vision de la bonne gouvernance. Il s’agirait moins de la
défense de chacun des sénats européens que d’un mode de gouverner
qui ménage un large espace a l’expression du pluralisme des opinions
et préfere la minutie d’une appréciation répétée a la précipitation.
Puisqu’il est question d’équilibre, nous pouvons d’ailleurs
souligner qu’il existe une égale nécessité pour que la premiere
chambre soit bien conçue par rapport au sénat, sans quoi son
existence est, elle aussi, problématique. En fait, il n’est pas
question ici d’un quelconque ordre d’importance. Il y a - ou il n’y
a pas - une répartition fonctionnelle des tâches et des
responsabilités, propre a établir les conditions indispensables a un
parlement efficace.
Une telle répartition suppose une certaine tension
entre les deux chambres. Celle-ci ne doit toutefois etre ni trop
grande ni insuffisante. Certains rôles et avec eux certaines
responsabilités doivent donc etre partagés par les deux chambres,
sous peine que leurs relations ne soient placées sous le signe d’une
rivalité permanente, susceptible de renforcer les pouvoirs exécutif
et judiciaire aux dépens du législatif dans son ensemble. L’étendue
meme des tâches des gouvernements et des administrations
contemporaines plaide en faveur d’une répartition du travail non
seulement lors du contrôle de leur accomplissement, mais aussi lors
de l’approbation des lois de plus en plus complexes au moyen
desquelles on gouverne aujourd’hui. A propos du bicamérisme, Sir
Henry Maine soulignait laconiquement qu’il n’est pas question
« d’infaillibilité concurrente, mais d’une sécurité accrue
».
Le parlement bicaméral est de mon point de vue
adapté - je ne dis pas indispensable – a la fois aux sociétés
complexes, et a celles ou la démocratie n’est pas encore
profondément enracinée. Comment caractériser ces sociétés? Les
premieres sont celles qui présentent de fortes disparités, tant sur
le plan ethnique, que religieux ou historique; il ne s’agit donc pas
uniquement d’Etats fédéraux. Ici, c’est l’intéret pour une
représentativité affinée qui est essentiel. Les sociétés ou la
démocratie n’a pas encore de racines solides sont celles qui n’ont
pas encore connu d’alternances politiques pacifiques et répétées et
celles ou l’Etat de droit demeure incompletement réalisé. Dans ce
cas, ce sont les besoins de contrôle et d’équilibrage des pouvoirs
qui dominent.
Toutefois, des arguments existent également pour le
bicamérisme dans les pays relativement homogenes et aussi dans ceux
ou la démocratie - signifiant le pouvoir du peuple et aussi le regne
de la Loi - est assurée. Si nous laissons de côté ici la tentation
latente de chaque pouvoir de voir renforcer et étendre ses
prérogatives, un autre motif fort subsiste partout pour l’existence
des secondes chambres, dans l’exigence de qualité vis-a-vis des
textes de lois. Ce que nous appelons parfois un second regard, un
regard décalé dans le temps, au travers d’une nouvelle perspective,
a savoir le regard des secondes chambres, améliore généralement la
qualité des projets et propositions de loi présentés. Je ne fais pas
tant allusion a un meilleur contenu, dans la mesure ou une telle
évaluation est nécessairement relative, qu’a une amélioration du
processus législatif en lui-meme, permettant de garantir que les
voix des premiers concernés par une loi soient entendues.
Par ailleurs, la ou les secondes chambres sont plus
faibles au regard des prérogatives des chambres des députés, du
moins sont-elles en mesure de tester dans la durée la volonté de la
majorité parlementaire d’adopter un projet de loi. Un troisieme
regard est meme a disposition dans de nombreux pays – a travers la
possibilité d’un veto du chef de l’Etat et, surtout, l’existence de
juridictions constitutionnelles a meme d’annuler tout ou partie d’un
texte de loi. On arrive ainsi a satisfaire un ancien proverbe
tcheque qui doit sans aucun doute trouver son pendant dans d’autres
langues et cultures, a savoir “mesure deux fois avant de
couper”. Parfois on dit meme “mesure trois fois”.
La rencontre de Prague ne s’est donc pas fixé pour
objectif la défense de l’existence des sénats, mais celle du
bicamérisme en tant que tel. Au-dela, il s’agit pour nous ici de
nous interroger sur les conditions dans lesquelles le bicamérisme
est efficace. Du reste, seul un bicamérisme efficace est
défendable.
Pour cibler autant que possible nos débats, au vu
des contraintes de temps qui s’imposent a cette rencontre, nous
avons d’emblée proposé cette hypothese: le bicamérisme est efficace
si les deux chambres sont clairement différenciées. Il est a nous de
confirmer ou d’infirmer cette hypothese. Si nous la confirmons, il
serait utile de déterminer comment assurer une telle différenciation
ou plutôt sur quoi celle-ci doit porter en premier lieu: les
prérogatives, la composition politique, les méthodes de travail?
Dans quelle mesure est-il judicieux de faire répéter les memes actes
par les deux chambres, comment leurs rapports évoluent, selon que
leur composition politique est identique ou divergente, comment
réussit-on a préserver leur indépendance, vis-a-vis des intérets
qu’elles représentent et de quelle maniere les représentent-elles eu
égards a la domination qu’exercent les partis politiques? Pour etre
plus spécifiques, nous devrions examiner ici en quoi consiste
l’ensemble des moyens disponibles, qui permettent d’assurer une
claire différenciation des deux chambres du parlement.
Au début de notre échange, nous posons donc cette
question: une composition différenciée des deux chambres
constitue-t-elle la condition premiere de l’efficacité du
bicamérisme? En outre, a quel niveau doit se manifester cette
efficacité? Doit-elle concerner au premier chef la qualité des
textes législatifs, garantir le pouvoir du peuple, favoriser le
regne du droit plutôt que celui des hommes? De quelle maniere
assurer au mieux ces différents niveaux d’efficacité? Au moyen de
quels outils, si nous entendons par la les possibilités
constitutionnelles et législatives, pouvons-nous agir sur la
composition des deux chambres et la répartition de leurs
compétences?
De mon point de vue, la seule défense légitime de
nos institutions sénatoriales consiste en une défense de
l’efficacité du bicamérisme, laquelle se doit de toujours évoquer
ensemble les deux chambres. Une telle approche n’est pas seulement
plus légitime, mais aussi psychologiquement plus adaptée - au vu de
la tension occasionnelle qui regne entre les deux chambres, allant
parfois jusqu’a la rivalité. Cette démarche ne consiste donc
nullement a vanter l’excellence des secondes chambres et leurs
prétendus avantages par rapport a la chambre des députés, mais a
promouvoir les mérites du bicamérisme et a faire valoir les motifs
plaidant en faveur de ce systeme. Une telle argumentation ne saurait
provoquer, et encore moins augmenter, la tension saine et naturelle
qui doit prévaloir entre les deux chambres.
Voici nos hypotheses, les points de départ que nous
vous proposons en ce début de la cinquieme réunion de l’Association
des Sénats d’Europe. Je suis convaincu que notre discussion sera a
meme de confirmer ou infirmer ces affirmations ou du moins, de les
préciser. Cette derniere tâche est selon nous essentielle, car les
réponses définitives n’existent pas. Nous ne faisons que nous
rapprocher de la vérité, en formulant des hypotheses adéquates, a
savoir celles qui selon l’enseignement de Karl Popper,
s’exposent a etre réfutées. Il appartient a chacun d’entre nous, ici
présents, d’user de l’occasion pour confronter nos opinions,
comparer la théorie et la pratique des chambres que nous présidons,
afin d’approfondir notre connaissance des conditions qui justifient
et rendent efficace le systeme bicaméral.
Ce dernier se caractérise entre autre par le fait
que les secondes chambres, chose curieuse, y different souvent
largement les unes des autres. Cela tend a indiquer que si la
diversité des premieres chambres n’est pas aussi marquée que ne
l’est celle des secondes chambres, c’est parce que ces dernieres
doivent davantage s’adapter aux conditions spécifiques de chaque
pays. C’est la une condition sine qua non pour qu’elles
forment avec les chambres basses, des systemes cohérents et
efficaces.
Permettez-moi d’ajouter maintenant quelques
remarques d’ordre technique: grâce a vous et a vos collaborateurs,
nous avons collecté des questionnaires relatifs au sujet de nos
discussions. Ils seront joints en annexe aux actes de cette réunion.
Ceux-ci comporteront bien entendu vos contributions, les
interventions principales et celles faites lors des débats. En
conclusion, nous nous essaierons, en toute humilité et conscients
des risques que cela implique, de proposer une sorte de résumé de
cette rencontre. C’est pourquoi l’ensemble de nos débats sera
sténographié. Une fois le recueil terminé, il vous sera adressé par
courrier et sera mis a disposition sur le site Internet du Sénat
tcheque.
Les documents d’information sur le déroulement de
la journée d’aujourd’hui vous ont été distribués et se trouvent
devant vous. Tous les autres, notamment les contributions des
participants dont nous disposons sont a retirer dans le vestibule de
la Salle de réunion. Au meme endroit, un service permanent est
assuré pour répondre a toute demande ou requete de votre part, et un
téléphone, un fax et une photocopieuse sont mis a votre disposition.
Le centre informatique est situé au salon dit présidentiel, a droite
en sortant du vestibule. Quatre ordinateurs y sont connectés a
Internet.
La pause café aura lieu a 11 h dans les salons
Frýdlantský et Jièínský. Le déjeuner sera servi a 12h30 dans la
Salle a manger sénatoriale. Avant le déjeuner, nous nous rendrons
ensemble a la Salla Terrena du jardin du Palais Wallenstein, que
vous avez visitée hier soir afin d’y réaliser une photo de
famille.
L’ordre des orateurs sera déterminé en fonction de
l’alphabet tcheque, a l’exception bien sur de celles et ceux qui ne
souhaitent pas prendre part aux débats au travers de contributions
spécifiques. Les inscriptions au débat que vous avez a votre
disposition nous permettront de déterminer l’intéret de chacun pour
une participation active.
Vous avez déja connaissance de l’ordre du jour de
la réunion, y compris de la discussion d’actualité sur la Conférence
intergouvernementale, qui devrait etre aussi ouverte et informelle
que possible.
Parvenu au terme de mon intervention, je vais
rappeler encore une fois l’initiateur de nos rencontres, notre
collegue Christian Poncelet. Ceci est d’une certaine maniere
logique: le Sénat français constitue une sorte de modele « classique
». La France a en outre vu la naissance d’un penseur de génie, dont
les idées restent d’une parfaite actualité. Bien que le nom de
Charles de Montesquieu ne soit pas mentionné dans chaque
intervention, les références a la théorie de la séparation des
pouvoirs, aux checks and balances comme diraient les
Américains et les Britanniques, constitueront sans aucun doute l’un
des fils rouges de cette rencontre.
Notre bien cher ami Poncelet, par son idée
de procéder a un examen graduel du bicamérisme dans l’Europe
contemporaine, en tant qu’application de la théorie de la séparation
des pouvoirs au pouvoir parlementaire, a confirmé qu’il était digne
de la tradition de la pensée politique du pays de Charles de
Montesquieu.
Je prie donc Monsieur Christian Poncelet,
Président du Sénat de la République française, de bien vouloir
prononcer la premiere des interventions de la journée.
Monsieur Christian Poncelet, Président du Sénat
de la République française:
Monsieur le Président, mes chers collegues, chers amis,
Merci, cher Président Pithart, de nous avoir
conviés dans votre si belle capitale pour cette cinquieme réunion de
l’Association des sénats d’Europe.
Prague est une de ces tres rares villes qui sont un
condensé de l’histoire de l’Europe, de sa civilisation, de son
identité. Ici, nous sommes au cour de notre continent et nous
ressentons tout particulierement la signification de l’appartenance
a l’Europe.
Le theme de notre réunion est la différence de
composition des chambres dans nos systemes bicaméraux. Ce theme est
étroitement lié a celui du rôle confié a la seconde Chambre. Je vais
essayer de présenter le bicamérisme français sous cet angle.
En France, la seconde Chambre a été instituée, en
1795, pour jouer un rôle modérateur, en réaction aux exces d’une
assemblée unique qui avait fait régner la terreur – „Assemblée
unique, assemblée inique“. Depuis cette date, le bicamérisme est une
constante du paysage institutionnel français, a l’exception de la
parenthese de la deuxieme République, qui s’est mal terminée.
Mais comment composer la seconde Chambre pour
qu’elle exerce ce rôle modérateur? Sur ce point, nous avons tâtonné
pendant 80 ans.
Comme vous le savez, la France a longtemps connu
une grande instabilité dans ses institutions: nous avons changé 14
fois de Constitution depuis 1789. Ces changements ont notamment
permis d’essayer, de tester diverses formules pour la seconde
Chambre. Finalement, le systeme qui s’est imposé a partir de 1875
est le suffrage universel indirect, le corps électoral du Sénat
étant composé de représentants des collectivités territoriales. Ce
systeme a été choisi pour donner a la seconde Chambre une réelle
base démocratique, - une Chambre nommée n'aurait pas une légitimité
suffisante pour jouer un rôle de contrepoids - tout en lui conférant
le rôle modérateur inhérent au suffrage universel indirect, le Sénat
étant élu par des élus représentants des pouvoirs locaux.
II faut noter que dans le systeme français, depuis
1875, le corps électoral du Sénat est composé de représentants de
tous les pouvoirs locaux. Aujourd’hui, ce corps électoral est
composé de représentants des régions, des départements, et des
communes.
Pourquoi ce choix a-t-il été durable? D’abord,
parce que l’objectif poursuivi a été atteint. Le Sénat, élu au
suffrage universel indirect, n’a certes pas la meme légitimité
«démographique» que la premiere chambre, l’Assemblée nationale. Mais
il dispose d’une légitimité démocratique qui lui donne assez de
poids pour qu’il puisse jouer son rôle de force d’équilibre et de
contre pouvoir au sens de Montesquieu.
Ensuite, car ce systeme s’est trouvé en phase avec
une évolution profonde pour la France, qui est le mouvement de
décentralisation. En 1875, la France était un pays extremement
centralisé. Par étapes, elle a reconnu des pouvoirs plus grands aux
collectivités territoriales. Ce processus va s’accélérer avec la
récente révision constitutionnelle, qui consacre l'organisation
décentralisée de notre République, c’est-a-dire une République « des
territoires ».
De ce fait, le Sénat, assemblée parlementaire a
part entiere, a aujourd'hui un double rôle: il contribue a
l'équilibre des pouvoirs, et il assure la représentation des
pouvoirs locaux au sein du Parlement. Les deux assemblées du
Parlement français ont donc des missions et des modes d’élection
différents.
Pour etre équilibré, le bicamérisme doit etre
différencié et le Sénat ne saurait etre le double, la réplique de
l’Assemblée nationale.
Tout d’abord, la durée du mandat n’est pas la meme:
cinq ans pour les députés, six ans pour les sénateurs. La durée du
mandat des sénateurs était de neuf ans. Le Sénat a pris lui-meme
l’initiative de la ramener a six ans. C’est délibérément que nous
n’avons pas voulu la meme durée que pour les députés.
Ensuite, le mode de scrutin est différent. Les
députés sont élus au scrutin majoritaire. Les sénateurs sont élus
pour partie au scrutin proportionnel et pour partie au scrutin
majoritaire, selon la taille du département dans lequel ils sont
élus. Dans les départements les plus peuplés, ils sont élus au
scrutin proportionnel, avec une parité alternée « homme/femme »,
tandis que dans les départements moins peuplés, ils sont élus au
scrutin majoritaire.
Le renouvellement n’obéit pas non plus aux memes
regles. L’Assemblée nationale se renouvelle intégralement. Le sénat
se renouvelle par moitié tous les trois ans. L’assemblée peut etre
dissoute, le Sénat ne peut pas l’etre. En contrepartie, le Sénat ne
pas renverser le Gouvernement. Le Sénat est donc une assemblée
permanente.
Le nombre de ses membres est également différent:
il y a 577 députés et 321 sénateurs. Le nombre des sénateurs va etre
porté a 346, progressivement, entre 2004 et 2010 pour tenir compte
de l’évolution démographique de la France, comme nous l’a demandé le
Conseil constitutionnel.
Dans ce contexte, comment se présente la
composition politique des deux assemblées? Il n’y a pas de
différence significative pour la place des femmes (12% a l’Assemblée
nationale, 11% au Sénat) ni pour la composition socioprofessionnelle
(dans les deux cas, environ 40% sont issus de la fonction
publique).
Pour la composition politique, la comparaison n’est
pas facile a faire, meme si l’on prend seulement l’évolution depuis
1958, date de l’entrée en vigueur de la Constitution actuelle. En
effet, les groupes politiques n’ont jamais été completement les
memes a l’Assemblée nationale et au Sénat.
On peut cependant faire quelques observations
générales sur cette période:
- alors que la gauche a été majoritaire a l’Assemblée nationale
a plusieurs reprises, elle a toujours été minoritaire au Sénat
- au Sénat, les groupes politiques centristes (centre--gauche et
centre-droit) ont longtemps occupé une grande place, alors que
leur place était plus réduite a l’Assemblée nationale;
- l’extreme droite n’a jamais été représentée au Sénat;
- le parti communiste a eu longtemps une place plus réduite au
Sénat qu’a l’Assemblée nationale.
Aujourd’hui (depuis 2002), les groupes politiques
sont presque les memes a l’Assemblée nationale et au Sénat, avec,
dans les deux cas, un groupe dominant, l’UMP, qui rassemble 365
députés sur 577 a l’Assemblée nationale et 165 sénateurs sur 321 au
Sénat. En outre, le groupe communiste est désormais
proportionnellement plus important au Sénat, avec 23 membres sur 321
sénateurs alors qu’a l’Assemblée nationale il ne compte que 22
membres sur 577 députés. A plusieurs reprises, au cours des vingt
dernieres années, les majorités a l’Assemblée nationale et au Sénat
ont été d’orientations clairement opposées.
Comment cette situation s’est-elle traduite dans le
fonctionnement du bicamérisme? Naturellement, lorsque le Sénat se
trouve dans l’opposition, sa fonction de contrôle se trouve
revalorisée. Certes, cette fonction doit s’exercer de la meme
maniere quelle que soit la couleur politique de la majorité de
gouvernement. Mais son retentissement est plus grand lorsque le
Sénat apparaît comme une instance de critique et de
contre-proposition.
Qu’en est-il de la fonction législative? Le
bicamérisme «a la française» est en quelque sorte «a géométrie
variable ». C’est un bicamérisme égalitaire que le gouvernement - le
gouvernement, et lui seul -- peut rendre inégalitaire en donnant le
dernier mot a l’Assemblée nationale. Mais ce «dernier mot» est
soumis a certaines conditions.
Tout d’abord, tous les projets de loi, car le Sénat
dispose d’une compétence législative générale, sont soumis a la «
navette» entre les deux assemblées. Les dispositions qui, durant la
« navette », sont votées dans les memes termes par les deux
assemblées sont retirées de la discussion. La discussion porte
ensuite seulement sur les points de désaccord. Une commission mixte
paritaire est réunie pour examiner ces points de désaccord. C’est
seulement en cas d’échec de cette commission mixte paritaire que
l’Assemblée peut avoir le dernier mot. Ensuite, lorsque le
gouvernement lui donne le dernier mot, l’Assemblée est obligée de
reprendre le dernier texte qu’elle a voté, éventuellement complété
par certains des amendements adoptés par le Sénat.
Ainsi, la procédure législative, dans tous les cas,
favorise la reprise par l’Assemblée nationale des amendements
introduits par le Sénat. De ce fait, le Sénat conserve une influence
législative meme lorsque les deux assemblées ont des majorités
politiquement opposées. Dans ce cas de figure, environ la moitié des
amendements du Sénat sont repris par l’Assemblée nationale.
Lorsque les majorités sont convergentes, ce
pourcentage est naturellement beaucoup plus élevé et supérieur a 80
%, en moyenne, avec un taux de reprise record de 92 % lors de la
derniere session du mois de juin.
Il faut noter que, quelles que soient les
majorités, le recours au «dernier mot» de l’Assemblée nationale est
loin d’etre la regle. Depuis 1958, le «dernier mot» n’a joué que
pour un texte sur huit, soit seulement 13 % des textes. L’immense
majorité des textes (87 %) ont donc été adoptés par accord entre les
deux assemblées.
De cette présentation du systeme français, je
tirerai trois conclusions:
- d’abord, notre systeme a voulu différencier fortement les deux
chambres. Cette différenciation était jugée indispensable pour que
la seconde Chambre joue le rôle modérateur qui lui était attribué;
- ensuite, notre systeme encourage fortement la collaboration
entre les deux assemblées durant le processus législatif. Le
bicamérisme, c’est la garantie d’un double regard différent sur la
loi, comme l’a rappelé le Président Pithart tout a l’heure.
La loi est une chose trop sérieuse pour etre laissée a une seule
assemblée. Les meilleures lois sont celles coproduites par les
deux Assemblées;
- enfin, la fonction de représentation des collectivités
territoriales rend le Sénat complémentaire de l’Assemblée
nationale. L’Assemblée nationale représente la population et le
Sénat représente les territoires mais des territoires peuplés.
Ainsi, je résumerai le bicamérisme «a la française»
en trois mots: différence, collaboration et complémentarité.
Je vous remercie, chers amis, de m’avoir preté
attention.
Monsieur Petr Pithart, président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Je vous remercie, cher ami Poncelet.
L’expérience française est particulierement pertinente. La France
est effectivement dotée d’un sénat offrant une perfection toute
classique. Nous aurons notamment tous retenu dans votre propos que
le Sénat fut créé comme instrument de défense contre la Terreur.
Mais aussi que le Sénat est présenté comme un modérateur. La
recherche de la position optimale du bicamérisme ayant été longue
dans votre pays, elle n’en est que plus riche d’inspirations. En
tout état de cause, il est évident que cette quete ne mene pas a la
simplicité, car la société n’est pas simple et la vie non plus.
Merci, notre cher fondateur Poncelet.
Et maintenant je donne la parole au président du
Sénat du Royaume de Belgique, Monsieur Armand De
Decker.
Monsieur Armand De Decker, Président du Sénat du
Royaume de Belgique:
Monsieur le Président, cher ami Petr
Pithart! Tout d’abord je tiens a vous remercier pour nous avoir
reçus a Prague, dans cette ville magnifique, au Palais Wallenstein
qui est un résumé de l’histoire de notre continent. Je suis heureux
que le Sénat de la République tcheque nous ait réunis aujourd’hui
autour d’une question tres importante, a savoir si une composition
différente des chambres est une condition préalable de l’efficience
du systeme bicaméral.
La formule du bicamérisme idéal poursuit
politologues et juristes depuis tres longtemps. Il existe une série
d’analyses dont nous pouvons tirer un dénominateur commun
généralement reconnu.
Dans un systeme parlementaire bicaméral la seconde
chambre se doit d’etre différente, car sans cette différence elle ne
ferait que double emploi avec les fonctions de la premiere chambre,
ce qui affaiblirait son bien-fondé. Un tel systeme serait un peu
lourd: un bicamérisme de deux chambres a composition identique
n’apporte rien. Si la discipline de parti demeure la meme, les
gouvernements n’autoriseraient ni l’une ni l’autre chambre a
modifier les principes régissant les projets de loi. Et enfin – et
c’est la principale réserve - les deux chambres seraient incapables
de se répartir le travail.
Dans la mesure ou les deux chambres sont a meme de
développer indépendamment leur culture, pourquoi le bicamérisme
égalitaire devrait etre inefficace, pourquoi n’aurait-il aucune
raison d’etre? En disant ceci, il nous faudrait dire dans le meme
temps qu’un bicamérisme inégalitaire n’aura pas tant de difficultés
a s’imposer. Monsieur le Président, vous avez dit a juste titre en
introduction que les systemes de seconde chambre different dans
chacun de nos pays, est c’est un trait typique des secondes chambres
par rapport aux premieres. Les secondes chambres font aussi souvent
l’objet de critiques: critiques des gouvernements, critiques des
premieres chambres car de par leur nature, comme l’a dit Monsieur
Poncelet, elles jouent le rôle de contrepoids
institutionnels.
Il est donc important que nous ayons en vue ce rôle
spécifique des chambres hautes si nous voulons conserver leur
signification. La spécificité de la seconde chambre peut etre
introduite tant au niveau de sa composition qu’a celui de ses
compétences. En 1831, lors de la création du systeme parlementaire
belge, les constitutionalistes opterent pour un bicamérisme
inégalitaire quant a sa composition. Le Sénat de 1831 fut, a
l’instar du Sénat napoléonien conservateur, rempli de représentants
de l’aristocratie et de la grande bourgeoisie. Il devait jouer le
rôle de contrepoids face aux tendances progressistes, voire
révolutionnaires représentées au sein de la Chambre des
Représentants, malgré les rumeurs selon lesquelles c’était la
démagogie qui y régnait. Une telle spécificité est en contradiction
avec l’idée moderne de la démocratie. Nul ne sera étonné de
constater que le Sénat belge a perdu cette spécificité, ce trait
caractéristique, au cours des différentes révisions
constitutionnelles.
Au cours du XXe siecle, le bicamérisme
belge devint égalitaire tant dans sa composition qu’en matiere de
compétences. La Chambre et le Sénat ont la meme composition. Cela
veut dire que députés et sénateurs sont élus a la base des meme
criteres et la Chambre ainsi que le Sénat exercent les memes
pouvoirs.
La nature ne supporte pas le vide et n’aime pas non
plus le redoublement des fonctions. Les débats constitutionnels
n’échappent pas non plus a ces principes. Au cours des trente
dernieres années, la Belgique est devenue un Etat fédéral. Et cela
explique pourquoi le législateur introduisit a nouveau, en 1993, le
bicamérisme inégalitaire et la spécificité de chaque chambre, tant
dans les compétences qu’au niveau de leurs compositions
respectives.
Parmi les 71 sénateurs, 40 sont élus au suffrage
universel et expriment la nécessité de conférer au Sénat une
légitimité démocratique incontestable. Depuis la réforme de 1993, le
Sénat ne dispose plus de motion de censure a l’égard du gouvernement
comme c’était le cas sous la IIIe république en France, mais ne
dispose pas non plus de fonction d’arbitrage budgétaire qui est
réservée a la Chambre des Représentants. Le Sénat conserve toutefois
son rôle législatif qui est fondamental.
21 sénateurs sont désignés par les conseils des
communautés nationales en Belgique. Ces sénateurs sont élus aux
élections régionales et siegent selon leur appartenance a la
communauté flamande, wallonne ou allemande. Ces 21 sénateurs
assurent la représentation des Etats constituant la fédération.
Enfin, 10 sénateurs ne sont pas élus mais cooptés
par leurs collegues. Par la cooptation le législateur voulait
introduire dans la composition du Sénat, le facteur de l’expérience.
Ainsi, il transforme le Sénat en une chambre reposant sur la
réflexion et une pensée approfondie, soit en une chambre assurant la
qualité du processus législatif.
Apres la réforme de 1993, le Sénat se caractérise
par une composition hybride qui en reflete les nouvelles
compétences. Et c’est la regle fondamentale régissant tout corps
législatif. Il ne serait pas cohérent de séparer les compétences de
la composition, les deux composantes doivent etre en harmonie.
L’expérience belge nous apprend que la recherche d’un modele
permettant de mettre la théorie en pratique est un défi
considérable. Si cela devait etre l’ouvre des 21 sénateurs des
différentes communautés qui exercent un double mandat, ce serait une
faiblesse dans le bon fonctionnement du Sénat.
Comment envisager que les ensembles constituant la
fédération prennent part au processus législatif fédéral par le
biais du Sénat et que ce dernier reflete la structure du pays et
devienne le lieu de rencontre des régions et de l’Etat, si 21
sénateurs sur 71 devaient représenter l’ensemble des composantes de
la fédération? Et, par ailleurs, comment le Sénat peut-il accomplir
sa seconde fonction, a savoir légiférer et faire fonction de
réflexion, lorsque 21 sénateurs sur 71 exercent un double mandat et,
par conséquent, d’autres disponibilités horaires que les autres pour
leur travail?
Chers collegues, vous avez certainement remarqué
que les grandes visions constitutionnalistes se heurtent souvent a
la réalité. Lorsque cela se produit, il faut alors tenter de
parvenir a un compromis entre la théorie et la pratique, a savoir
modifier la composition du Sénat, afin de l’adapter a ses
prérogatives et devoirs. Pour ce qui est de la représentation des
entités constituant la fédération, a l’heure actuelle, plusieurs
modeles sont en lice en Belgique. On pourrait élargir le nombre des
sénateurs représentant les différentes communautés, ce qui est la
voie sur laquelle nous allons nous engager, tres vraisemblablement,
ou bien on peut rompre le lien entre les sénateurs des entités
constituant la fédération et les entités en question, et faire appel
a leurs suppléants.
Nous avons également remarqué que la fonction de
sénateur coopté devrait etre dotée d’un contenu nouveau car elle est
tres utile, de mon point de vue du moins. On pourrait ainsi appeler
au Sénat des représentants de la société civile selon leurs
expériences professionnelles ou autres, selon la valeur ajoutée
qu’ils peuvent apporter aux débats de cette chambre censée
introduire un surcroît de réflexion au processus législatif. A la
place, le sénateur coopté est souvent la personne qui n’a pas été
élue lors des élections précédentes et, éventuellement pour diverses
raisons d’équilibre au sein du parti, s’était retrouvée en position
non éligible sur le bulletin de vote. C’est ainsi qu’on examine
aussi différentes voies pour les sénateurs cooptés. Bien que la
constitution laisse certaines possibilités pour le suffrage direct,
les sénateurs cooptés, selon la premiere hypothese, pourraient
représenter certaines activités – le monde universitaire, la science
et la recherche. Il est possible d’envisager une autre solution, a
savoir que les sénateurs cooptés ne se soient pas présentés aux deux
élections précédentes, ce qui leur donnerait un profil spécifique
qui les distinguerait des sénateurs élus au suffrage direct, et ce
tant au Sénat qu’a l’échelle régionale.
Monsieur le Président, chers collegues, je ne suis
pas convaincu qu’une composition différente des chambres dans les
parlements bicaméraux soit une condition préalable a leur
efficacité, mais elle peut leur faciliter la vie. Une composition
différente est, a mes yeux, une absolue nécessité. Par contre, je
suis fermement convaincu que l’efficacité de n’importe quelle
institution parlementaire, et peu importe s’il s’agit d’un parlement
mono- ou bicaméral, dépend, en fin de compte, de la corrélation
entre ses compétences et sa composition. Je vous remercie.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Je vous remercie, Monsieur le Président du Sénat du
Royaume de Belgique. Nous sommes ravis que la deuxieme allocution
nous ait apporté une voix polémique. Nous avons bien précisé que
l’hypothese soumise était a confirmer ou a réfuter.
La Belgique a vécu une toute autre histoire que la
France, elle s’est vue dotée d’une structure fédérale. Et pourtant,
elle a connu un tâtonnement similaire qui n’est pas encore parvenu a
son terme, comme l’a souligné Monsieur le Président. Nous avons en
particulier écouté avec attention les réflexions concernant les
diverses conceptions des sénateurs cooptés. Il s’agit la d’un sujet
ayant trait a la conception du Sénat comme chambre de réflexion,
d’expérience et de distance par rapport a la politique de tous les
jours. Je dirai que j’ai été particulierement intrigué par le début
de votre allocution selon lequel les deux chambres devraient
développer chacune leur propre culture, des cultures politiques, des
manieres de débattre et de prendre les décisions distinctes.
Quoi qu’il en soit, votre intervention aura été,
Monsieur le Président, particulierement stimulante.
A présent je donne la parole au Président de la
Chambre des nations de l’Assemblée parlementaire de
Bosnie-Herzégovine, Monsieur Moustafa Pamouk, qui est pour la
premiere fois l’invité de notre association. C’est d’autant plus
chaleureusement que je vous souhaite la bienvenue, Monsieur le
Président.
Moustafa Pamouk, Président de la Chambre des
nations de l’Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine:
Chers collegues, je vous salue au nom de la Chambre
des nations de l’Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine, et
mes salutations vont au premier chef a Monsieur le Président du
Sénat de la République tcheque.
Je suis heureux d’etre parmi vous et de représenter
ici la Bosnie-Herzégovine, un Etat qui a traversé de graves
difficultés au cours de la période récente. Comme vous le savez,
nous essayons d’édifier un Etat démocratique qui, je l’espere,
rejoindra bientôt la construction européenne et deviendra une partie
intégrante de la grande famille européenne. Nous croyons en l’Europe
et aussi en la démocratie européenne. Ainsi pretons-nous une oreille
attentive a l’expérience des démocraties européennes, évoquée par
les collegues ayant pris la parole avant moi.
J’aimerais vous présenter le systeme qui fonctionne
maintenant en Bosnie - Herzégovine.
La Bosnie-Herzégovine est un Etat démocratique régi
par sa constitution et sa législation. Elle comprend deux entités,
la Fédération de Bosnie-Herzégovine et la République serbe, et se
compose de ce que nous appelons les trois nations constitutives, a
savoir les Bosniaques, les Croates et les Serbes. Par ailleurs, la
Bosnie-Herzégovine compte nombre de minorités nationales qui
bénéficient de droits énoncés selon les normes européennes et
internationales. La constitution de Bosnie-Herzégovine confere des
droits a toutes les ethnies.
Selon la constitution de Bosnie-Herzégovine, c’est
l’Assemblée parlementaire qui est l’organe législatif supreme; elle
est formée par deux chambres, a savoir par la Chambre des nations et
la Chambre des députés. La Chambre des nations - ou Sénat - compte
15 membres élus au sein des trois nations constitutives. Cinq
membres du Sénat sont choisis dans l’entité dite République serbe,
dix élus par l’entité appelée Fédération de Bosnie-Herzégovine –
cinq Bosniaques et cinq Croates. Tous sont égaux; toutes les
décisions sont prises par les deux chambres sur une base
égalitaire.
A la différence de la Chambre des députés, le Sénat
bénéficie de deux spécificités, établies par la constitution par
voie réglementaire, a savoir le droit de dissolution et de décider
des questions d’intéret vital pour les nations de Bosnie-
Herzégovine.
De quoi s’agit-il? Vous savez qu’il y a eu un
conflit en Bosnie-Herzégovine que l’on pourrait qualifier de conflit
entre les nations, dans la mesure ou il a porté atteinte a certains
intérets nationaux. C’est pourquoi le Sénat s’est vu charger de la
protection des intérets nationaux et de leur maintien en situation
d’équilibre, permettant de solutionner toutes les questions. Cela
signifie que la Bosnie-Herzégovine est actuellement l’un des rares
Etats en Europe qui ne pourrait pas fonctionner correctement sans le
Sénat. Nous espérons qu’avec le soutien des sénats européens et
celui de l’Union européenne, le Sénat de Bosnie-Herzégovine pourra
améliorer la qualité de son travail dans les conditions qui sont les
nôtres.
Pour cette raison, je me suis proposé de vous
parler de ce que nous faisons actuellement en Bosnie-Herzégovine et
de vous assurer que nous assisterons a l’avenir a toutes les
réunions de cette association afin d’obtenir plus d’expériences et
de surmonter les obstacles qui nous attendent dans le processus de
l’intégration européenne.
Une fois de plus, je tiens a vous remercier et a
vous dire combien je suis heureux d’etre parmi vous.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Je vous remercie, Monsieur le Président. Je crois
que nous avons, dans la grande majorité, entendu pour la premiere
fois parler de la structure de votre parlementarisme, qui commencera
a peine a faire l’objet d’études détaillées et se trouve désormais
intégré a toutes sortes d’approche comparative. A premiere vue, il
semble que votre Sénat trouve sa raison d’etre dans le caractere
particulierement complexe de votre société. C’est probablement la
raison pour laquelle votre Sénat s’appelle Chambre des nations. Nous
sommes heureux que vous soyez venu et que vous ayez manifesté votre
intéret de devenir membre actif de l’association.
Je vais passer la présidence de notre réunion a mon
Vice-président et collegue Jan Ruml afin de pouvoir présenter mon
intervention au nom du Sénat du Parlement de la République
tcheque.
Monsieur Jan Ruml, Vice-président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Mesdames et Messieurs, maintenant c’est au tour de
Petr Pithart, le Président du Sénat du Parlement de la
République tcheque, de présenter sa contribution.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Notre pays a connu un parlement bicaméral au cours
de trois périodes de son histoire moderne, a savoir de 1920 a 1939,
puis de 1969 a 1992 et enfin depuis 1996. Dans les deux premiers
cas, il s’agissait de parlements tchécoslovaques, dans le troisieme
d’un parlement tcheque.
Dans l’entre-deux-guerres, on reprochait au Sénat
de n’etre qu’une copie de la Chambre des députés, tant par sa
composition que par ses débats; une pâle copie, qui plus est. En
réalité, toutes les décisions politiques étaient prises par les
directions des partis politiques de la coalition gouvernementale
hors du terrain parlementaire.
De meme, les deux chambres de l’Assemblée fédérale
pendant la période allant de 1969 a 1992 se ressemblaient beaucoup,
mais se trouvaient alors sur un pied d’égalité. Délibérant
traditionnellement en congres, elles formaient un modele de
bicaméralisme que l’on qualifie de fictif.
Ayant a l’esprit que ces expériences avaient privé
les chambres parlementaires d’une identité claire, les
constitutionnalistes tcheques ont pris soin, en 1992, de bien
différencier les deux instances législatives du nouveau parlement.
Ils étaient en effet parvenus a la conclusion que seule une
structure interne différente leur permettrait de se différencier
dans leurs compositions ainsi que leur fonctionnement, de sorte a ce
qu’elles ne puissent etre manouvrées par une seule volonté
politique. Ce n’est qu’a cette condition que pouvait naître la
tension nécessaire tant au contrôle de la qualité des lois qu’a
l’équilibre entre les différents pouvoirs.
Les deux chambres devaient etre distinguées a
travers deux modes de scrutin différents, les conditions du droit de
vote passif, la durée de la législature, le mode de renouvellement
et l’indissolubilité du Sénat. Autant d’éléments auxquels sont venus
s’ajouter, dans la pratique, des échéances électorales décalées
(Chambre des députés en juin, Sénat en novembre). En revanche, la
discussion sur la différenciation des fonctions représentatives des
chambres demeurait peu approfondie. L’idée du Sénat comme
représentant des régions avait été rejetée dans notre Etat unitaire
en raison, entre autre, de la décomposition de l’Etat fédéral
d’alors; on redoutait que le meme processus ne réapparaisse en
République tcheque.
Les deux chambres du Parlement de la République
tcheque sont élues au suffrage universel, direct et a bulletin
secret, sur la base de l’égalité des suffrages. Le droit de vote est
accordé aux citoyens tcheques âgés d’au moins 18 ans. Tout citoyen
tcheque ayant atteint l’âge de 21 ans peut devenir député, pour
devenir sénateur il lui faut avoir atteint 40 ans.
La Chambre des députés est élue au scrutin
proportionnel, ce qui signifie concretement l’élection de 200
députés dans 14 régions-circonscriptions selon la méthode D’Hondt.
Les sénateurs sont élus au scrutin majoritaire uninominal a deux
tours dans 81 circonscriptions électorales ; des le premier tour
peut etre élu le candidat ayant remporté la majorité absolue, a
savoir plus de 50% des suffrages. Dans le cas contraire, les deux
candidats les mieux placés sont en lice pour le second tour. Celui
qui a obtenu le plus grand nombre de voix est élu. Chaque
circonscription compte environ 120 000 habitants.
Tous les parlementaires tcheques sont élus. Il faut
remonter a 1920 pour trouver des débats autour de l’idée de voir une
partie de la seconde chambre constituée d’une autre maniere, par
nomination par ex. Ces dernieres années certains avancent que les
hejtmans (Présidents des Conseils régionaux – le pays
compte14 régions) pourraient se voir attribuer ex officio le
mandat de sénateur.
Outre la différenciation des conditions du droit de
vote passif, du nombre des sieges et du mode de scrutin, les mandats
pour les deux chambres ont été également définis différemment. La
Chambre des députés est élue pour quatre ans, se renouvelle dans son
ensemble et peut, dans certaines conditions, etre dissoute. Le Sénat
est élu pour six ans, renouvelé par tiers tous les deux ans et ne
peut faire l’objet d’une dissolution.
Toute une série d’attributs a été inspirée par les
sénats américain et français. On pourrait trouver leur justification
dans les Lettres des Fédéralistes, notamment celle rédigée par
James Madison: L’âge mur fixé comme réquisit pour l’exercice
du mandat de sénateur y était motivé par les arguments d’une plus
grande sagesse et d’un certain savoir-faire. La durée du mandat
constitue la garantie d’une plus grande indépendance par rapport a
l’humeur changeante des électeurs et permet de cumuler l’expérience
du travail parlementaire. Afin que les sénateurs échappent aux
passions que subissent les députés, ils doivent constituer un corps
moins important. Ceci doit encourager chez chacun le sens de la
responsabilité individuelle et dote dans le meme temps les électeurs
d’un pouvoir de contrôle accru sur leurs élus. Le renouvellement par
tiers conforte la continuité de la législation; une seule élection
ne peut faire basculer le processus législatif. Un gouvernement
instable ébranle la confiance des citoyens et ternit le prestige de
l’Etat a l’étranger.
Jusqu’ici je n’ai fait qu’évoquer que les
dispositions mises en ouvre pour assurer une différenciation nette
des deux chambres, sans aborder la réalité de ces sept dernieres
années de pratique parlementaire. Comme je les ai passées au sein du
Sénat, mon expérience personnelle me permet de constater qu’il se
distingue authentiquement de la Chambre des députés. Par ailleurs,
il évolue: les périodes de forte influence des partis politiques
alternent avec celles d’identification plus nette des sénateurs avec
le Sénat, jusqu’a l’emporter sur leur affiliation politique. La
pression des partis politique se fait ressentir surtout au moment ou
ils sont conscients du rôle véritable de la seconde chambre. Des
qu’il ne s’agit plus de peaufiner les propositions de loi mais de
décider d’une révision de la Constitution ou d’importantes réformes,
les partis politiques exercent sur leurs sénateurs une influence
plus grande qu’auparavant. Ils sont pourtant limités par le mandat
sénatorial relativement long et affermi par l’indissolubilité du
Sénat.
Il est vrai qu’aujourd’hui, la plupart des
sénateurs représentent des partis politiques également présents a la
Chambre des députés, mais on y trouve aussi des représentants de
petits partis régionaux ainsi que des élus indépendants. A la
Chambre des députés, les non-inscrits font davantage figure
d’exception – ils sont au nombre de deux, soit 1%, alors qu’au Sénat
ils constituent un phénomene significatif, puisqu’ils sont 8
aujourd’hui, occupant ainsi 10% des sieges. Si l’on observe le
fonctionnement des deux chambres au fil des ans, on peut trouver,
tant parmi les députés que les sénateurs, des groupes qui n’ont pas
de partenaire dans l’autre chambre. A titre d’exemple, un groupe des
Indépendants a été constitué en 2002 au Sénat alors qu’il n’a pas
son pendant a la Chambre des députés. La composition et l’importance
des groupes parlementaires different souvent d’une chambre a
l’autre: la social-démocratie, parti de gouvernement, dispose de 70
députés, soit 35% de l’effectif de la Chambre, mais seulement de 10
sénateurs, soit 12% de tous les sénateurs. Pour ce qui est de la
représentation de la droite et de la gauche, le Sénat semble s’etre
ancré durablement au centre-droit, la part des formations politiques
de gauche va s’affaiblissant.
En raison de la structure des groupes au Sénat,
mais aussi a cause de la discipline de parti, je dirais que la
situation au Sénat est moins claire qu’a la Chambre des députés. Il
ne suffit donc pas a chaque formation de compter les présents avant
chaque procédure de vote, mais il faut les persuader par des
arguments pertinents. C’est la que je vois, entre autre, l’apport de
la chambre haute a la culture politique et parlementaire,
contribution sans doute rendue tres difficile dans le cas ou une
chambre décide de l’existence d’un gouvernement.
Une structure différente, mais aussi en bien des
occasions, des pratiques politiques propres a ses membres,
permettent au Sénat d’accomplir sa vocation de réviser les
propositions de loi votées par la Chambre des députés et d’assurer
ses fonctions d’équilibrage et de pondération. Je pense qu’ici, la
capacité qu’il démontre d’entrer en conflit pese davantage que le
résultat final. Si c’est la Chambre des députés qui a le dernier
mot, cela releve de sa responsabilité. Mais au moins se voit-elle
offrir l’opportunité de repenser sa décision. Par ailleurs, elle ne
peut passer outre le veto du Sénat quand il s’agit de questions
fondamentales. Sur les 14 propositions de lois a caractere
constitutionnel, le Sénat n’en a adopté que neuf.
Si je dois répondre en deux mots a la question
posée a cette assemblée, je ne peux qu’affirmer ceci:
Dans l’optique de l’expérience tcheque, longue
désormais de presque sept ans, la composition des chambres selon des
modalités distinctes dans les parlements bicaméraux, semble
effectivement etre une condition premiere de leur efficacité. Il ne
s’agit certainement pas d’imposer la différence a tout prix, moins
encore d’imposer n’importe quel type de différence, mais celle qui
contribuera a la qualité des lois, empechera des changements
brutaux, souvent peu réfléchis, ainsi qu’une influence démesurée des
directions des partis politiques: autant de travers qui réduisent
d’ordinaire la légitimité d’une démocratie parlementaire.
Je vous remercie de m’avoir accordé votre
attention.
Monsieur Jan Ruml, Vice-président du Sénat de la
République tcheque:
Je vous remercie, Monsieur le Président. Avant que
nous n’interrompions brievement notre séance pour une pause café,
j’invite Monsieur Lamberto Dini, Vice-président du Sénat de
la République italienne, a venir a son tour prendre la
parole.
Monsieur Lamberto Dini, Vice-président du Sénat
de la République italienne:
Permettez-moi de vous remercier de votre
hospitalité et de l’accueil qui nous a été réservé au siege du
Sénat, dans cette magnifique capitale de la République tcheque.
En arriere-plan du titre captivant qui a été donné
a notre rencontre, on trouve une question fondamentale, présente
dans tous les systemes bicaméraux, a savoir celle de la relation qui
existe entre les fonctions des deux chambres et leurs compositions
respectives. Le bicamérisme découle du besoin d’assurer la
représentation de différents groupes sociaux. C’est la raison pour
laquelle l’Angleterre a adopté ce systeme, en instituant la Chambre
des lords et celle des communes.
A l’époque contemporaine, la principale
justification d’une division du parlement en deux chambres réside
dans le besoin de représenter d’une part les citoyens dans leur
ensemble et d’autre part, les Etats membres d’un Etat fédéral ou les
collectivités territoriales dans le cas des Etats unitaires.
D’une maniere paradoxale, l’expérience italienne
confirme, elle aussi, l’étroite relation qui existe entre les
prérogatives et les compositions des deux assemblées. Deux
institutions qui, en Italie, exercent des fonctions identiques,
présentent une composition équivalente et produisent, du point de
vue politique, les memes résultats.
Apres que l’Italie se fusse libérée du régime
fasciste, l’Assemblée constituante décida d’orienter le systeme
institutionnel vers un parlementarisme fort, composé de deux
chambres, auxquelles furent attribuées les memes fonctions: la meme
compétence législative et les memes prérogatives du point de vue de
la confiance au gouvernement. Toutefois, des les débats
constituants, la discussion s’est focalisée sur la pertinence d’une
claire distinction des deux chambres au niveau de leur composition.
La proposition la plus discutée fut notamment celle visant a faire
du Sénat une chambre professionnelle. Celle-ci, de meme que d’autres
propositions dans le sens d’une différenciation, fut cependant
écartée.
Aussi, seuls quelques traits viennent aujourd’hui
distinguer ces deux chambres. Tout d’abord, tandis que la Chambre
des députés est exclusivement une assemblée élue, le Président de la
République nomme 5 sénateurs a vie, « parmi ceux qui ont servi le
pays de façon exceptionnelle, dans les domaines sociaux,
scientifiques, artistiques et littéraires ». De la meme maniere,
les anciens présidents de la République sont membres a vie du Sénat.
Les conditions d’exercice du droit de vote et d’éligibilité se
distinguent en outre aux sénatoriales et aux législatives. Pour
participer au premier scrutin, il faut etre âgé d’au moins vingt
cinq ans et les candidats aux sénatoriales doivent etre âgés de
quarante ans au moins. En revanche, tout citoyen de plus de dix-huit
ans peut voter lors des législatives et les candidats a la
députation doivent seulement avoir atteint vingt cinq ans. Le nombre
d’élus est par ailleurs inférieur de moitié au Sénat par rapport a
la Chambre des députés. Toutefois, si les dispositions électorales
sont distinctes, elles ont jusqu’ici produit les memes résultats
politiques.
Dans le texte initialement adopté par l’Assemblée
constituante, les deux institutions différaient également par la
durée de leurs législatures: six ans pour le Sénat, cinq pour la
Chambre des députés. Une proposition adoptée par la constituante
prévoyait également des systemes électoraux radicalement différents:
a l’origine, le Sénat devait etre pourvu par un scrutin a la
majorité simple ou bien selon un systeme de cooptation, tandis que
pour la Chambre des députés, on utiliserait la proportionnelle.
Dans la pratique, ces deux distinctions ont été
supprimées. Les durées de législature des deux chambres ont été
officiellement alignées en 1963, lorsqu’il fut inscrit dans les
textes qu’a une dissolution de la Chambre des députés devaient
correspondre des élections anticipées pour le Sénat. Quoi que fondé
sur le principe d’un siege unique par circonscription, le systeme
électoral a fonctionné selon les regles de la proportionnelle
jusqu’en 1993. Depuis lors, la Chambre des députés et le Sénat sont
pourvus selon le meme systeme électoral mixte; majoritaire pour les
trois quarts des membres, proportionnel pour le quart restant.
Ainsi, les deux dispositions a meme de produire des
compositions clairement différenciées pour chaque chambre, ont-elles
été éliminées au profit d’une absolue égalité quant a leurs
fonctions. Nous avons ainsi deux chambres dont le gouvernement doit
conserver la confiance et dont il est préférable que la structure
politique soit identique, si l’on veut se prémunir contre une
paralysie du systeme. En cela, l’expérience italienne illustre qu’il
existe un lien étroit entre la structure et la fonctionnalité des
deux chambres.
Longtemps, le débat sur le bicamérisme a
principalement porté en Italie sur la question de l’efficacité de la
structure bicamérale; en d’autres termes, sur la possibilité de
faire coexister deux chambres aux compétences égales, sans ralentir
le processus décisionnel.
A cet égard, il est nécessaire de souligner qu’en
ce qui concerne le processus législatif et l’éventualité d’un
blocage consécutif a l’égale compétence des deux chambres, le
systeme italien présente une propriété caractéristique: celle-ci
réside dans la possibilité de faire ratifier une proposition de loi
par une commission parlementaire investie de « compétences
législatives ».
La récente révision de la constitution dans le sens
d’un transfert de compétences de l’Etat vers les régions (Loi
constitutionnelle 3/2001) a ravivé les discussions sur la pertinence
d’introduire une différenciation au niveau des fonctions des deux
chambres. Celle-ci engendrerait obligatoirement une différenciation
des criteres appliqués a leur composition.
L’article final de la loi de révision de la
constitution que j’ai mentionné fait écho a ce besoin. Il rend en
pratique possible la participation de « représentants des
régions, des provinces autonomes et des collectivités locales »
a une commission parlementaire mixte pour les affaires régionales.
Cette disposition, qui introduirait un organe mixte au cour de notre
systeme bicaméral réunissant parlementaires et représentants des
collectivités territoriales, n’a cependant pas encore été
appliquée.
Il y a quelques jours, le gouvernement a annoncé
une nouvelle initiative constitutionnelle. Il est vraisemblable que
celle-ci mettra une nouvelle fois la question de la différenciation
des deux chambres au centre des préoccupations politiques en Italie.
L’objectif, qui emporte l’adhésion d’un grand nombre, est
d’instituer ce que les membres de l’Assemblée constituante avaient
déja prévu. L’alinéa 1 de l’article 57 de la constitution italienne
dispose que le Sénat de la république « est élu sur une base
régionale ». En conformité avec ce principe, l’alinéa 2 de ce
meme article indique que chaque région, a deux exceptions pres, ne
peut disposer de moins de sept sénateurs. Ceci garantit actuellement
que les régions disposent d’un poids électoral qui n’est pas
uniquement déterminé par le nombre d’habitants des circonscriptions
électorales concernées. Toutefois, cet élément ne s’est pas encore
inscrit dans la pratique au point de faire du Sénat un organe
reflétant effectivement la situation territoriale du pays. Une fois
ce systeme appliqué, le Sénat deviendra le représentant effectif de
la réalité des différentes entités territoriales.
J’ai écouté et j’écouterai encore avec la plus
grande attention les contributions fournies dans cette enceinte par
certains collegues, qui seraient a meme de fournir de précieux
éléments pour la discussion qui se déroule en Italie.
J’estime que l’un des objectifs de notre
association est aussi de réfléchir sur la base de nos diverses
expériences, a des approches communes favorables a la construction
d’une Europe plus cohérente, mais dans le meme temps de valoriser
les compétences des collectivités territoriales.
Je vous remercie, Monsieur le Président.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Je remercie notre collegue Lamberto Dini. Le
Vice-président du Sénat italien nous a démontré combien le débat sur
la différenciation des chambres était loin d’etre uniquement
académique. En Italie, c’est une question essentielle, qui fait
évoluer le systeme politique. Nous n’oublions pas que c’est le
territoire de l’actuelle Italie qui a vu naître cette institution et
que c’est la qu’elle fut pour la premiere fois conceptualisée.
Il me semble qu’il apparaît que nous avons la
choisi la bonne question pour cette rencontre et que nous avons été
bien inspirés d’ajouter le point d’interrogation. Nous n’avions
alors nullement a l’esprit une question rhétorique. Il se confirme
bel et bien que chaque pays met a sa maniere l’accent sur la
problématique de la différenciation des deux chambres. Ce fut cette
fois encore une contribution particulierement inspirante, cher
collegue Dini, et je vous en remercie.
Je leve la séance pour une pause café. Vous serez
servis dans les salons Frýdlantský et Jièínský. La séance reprend a
11h20. Merci.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Mes chers collegues, je vous prie de reprendre
place, afin que nous puissions continuer. Je donne a présent la
parole a Madame Veldhuizen-Rothenbücher, l’Ambassadeur du
Royaume des Pays-Bas en République tcheque. Elle vous expliquera
elle-meme pourquoi le représentant du Sénat néerlandais n’a pu se
joindre a nous.
Madame Ida Leonore van Veldhuizen-Rothenbücher,
Ambassadeur du Royaume des Pays-Bas en République tcheque:
Cher Monsieur Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque, chers Présidents des différents
Sénats d’Europe, chers collegues, Mesdames et Messieurs! Au nom de
la présidente de la Premiere chambre du Royaume des Pays-Bas,
permettez-moi de vous remercier Monsieur le Président
Pithart, de vous etre proposé d’accueillir et d’organiser la
5eme réunion de l’Association des Sénats européens ici, a
Prague.
Malheureusement, Madame la Présidente de notre
Sénat n’a pu se joindre a ces débats, eu égard a trois déces
intervenus subitement parmi les membres de cette institution, a La
Haye. Elle m’a cependant chargée de vous transmettre a tous ses
salutations, et de vous souhaiter le plus grand succes lors de vos
délibérations. Madame la Présidente sera heureuse de vous rencontrer
lors de la prochaine session de l’association ou bien d’ici la.
Je vous remercie.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Je vous remercie, votre Excellence. L’excuse est
tragique et plus que motivée. Nous serons heureux de nous rencontrer
lors d’une prochaine occasion. A présent, je passe la parole au
Président du Sénat de la République de Pologne, Monsieur Longin
Hieronim Pastusiak.
Monsieur Longin Hieronim Pastusiak, Président du
Sénat de la République de Pologne:
Monsieur le Président, chers collegues. Je souhaite
me joindre aux précédents orateurs, pour exprimer mes remerciements
a notre hôte, Monsieur Pithart, pour son invitation ici et
pour avoir assuré les meilleures conditions possibles a nos
débats.
La question de la coopération entre les deux
chambres du Parlement est absolument fondamentale pour l’avenir des
institutions parlementaires. Permettez-moi en introduction d’exposer
quelques theses fondamentales.
Plus les deux chambres sont différenciées, mieux
est assurée la légitimité de la seconde chambre. Ces différences
peuvent etre de plusieurs types et quelques-unes ont déja été
mentionnées du haut de cette tribune. Il peut ainsi exister tout une
gamme de différences dans leurs fonctions, leurs responsabilités,
leurs compositions, le systeme électoral adopté. Il existe aussi
différents criteres pour la sélection de tel ou tel élément de
différenciation. Nous pouvons en outre trouver toute une série
d’autres parametres de différenciation.
Je viens d’un pays qui possede une tres longue
tradition parlementaire. Celle-ci a commencé au XVeme siecle. Le
premier Sénat polonais a siégé des 1493. Lorsque je parle avec des
collegues américains, il m’arrive de souligner qu’un an apres que
Christophe Colomb eut découvert l’Amérique, nous autres
Polonais avons eu un Sénat.
L’histoire du parlementarisme polonais est
susceptible de donner matiere a une étude de cas intéressante pour
nous tous. Des le début, le parlement polonais a adopté le
bicamérisme. Naturellement, comme tous les autres sénats de cette
époque, il ne s’agissait pas d’un organe procédant d’une élection
démocratique. Il représentait la noblesse, ainsi bien évidemment que
le clergé et ses membres étaient nommés a vie par le Roi. Des la fin
du XVIIIeme siecle, le Sénat constitue un outil essentiel pour
l’élaboration des lois en Pologne. Malheureusement, lorsque nous
perdons notre indépendance en 1795, le Sénat est dissous. A la fin
de la Premiere guerre mondiale, lorsque nous recouvrons notre
indépendance, celle-ci est accompagnée par un nouveau Sénat,
moderne. Des élections démocratiques sont convoquées et l’on peut
affirmer que le Sénat représente alors réellement l’ensemble de la
société.
Toutefois, la Constitution de 1935 modifia le
systeme régissant les sénatoriales: un tiers du Sénat est désormais
nommé par le Président de la République et deux tiers sont élus par
college électoral restreint.
Le Sénat polonais contemporain a émergé des
négociations dites « de la table ronde », qui se sont déroulées en
1989, impliquant le Parti ouvrier unifié polonais et les délégués de
Solidarité. Les élections libres qui se déroulent le quatre juin
1989 démontrent la force de l’opposition, qui obtient 99 des 100
sieges, marquant la fin de l’ere communiste dans l’histoire
polonaise. Le Sénat représente des lors l’un des acteurs actifs des
changements qui interviennent apres la chute du mur de Berlin, en
adoptant les propositions de lois indispensables pour la
transformation du systeme politique et économique.
D’apres la constitution polonaise de 1997, il
existe de petites différences entre les deux chambres
parlementaires. Les élections pour les deux chambres se déroulent le
meme jour et les deux institutions siegent pour la meme durée de
législature. En revanche, le systeme électoral differe. Le Sejm,
chambre basse du Parlement polonais, est élu sur une base
proportionnelle, les électeurs se prononçant sur les listes
présentées par les partis, tandis que le Sénat est élu au scrutin
majoritaire dans d’autres circonscriptions électorales.
La Pologne est un Etat unitaire. L’article 104 de
la constitution actuellement en vigueur indique de maniere
catégorique que les membres du parlement « sont les représentants
de la nation. Ils ne sont tenus a respecter aucune injonction de
leurs électeurs ».
Nous sommes conscients que le systeme actuel est
perfectible, aussi avons-nous engagé un débat en vue d’éventuelles
révisions. Des voix se sont exprimées en faveur d’une disparition du
Sénat. Mais elles demeurent rares pour l’heure.
Au stade actuel de la discussion, nous examinons
une modification visant a faire élire les sénateurs dans des
circonscriptions a mandat unique. Ceci concourrait a susciter un
lien plus étroit entre les sénateurs et leurs communautés locales et
a transformer le Sénat représentant, plus rigoureusement que
jusqu’ici, les régions polonaises. Dans cette hypothese, chaque
sénateur représenterait environ 383 000 personnes. Cette proposition
de changement structurel, instituant un passage de circonscriptions
comptant plusieurs sieges a pourvoir a des circonscriptions a mandat
unique est déja prete a etre soumise a l’examen du Sénat.
Nous nous penchons par ailleurs sur la possibilité
de faire du Sénat la chambre chargée de suivre de pres la
législation européenne, conformément au protocole sur le contrôle du
principe de subsidiarité et de proportionnalité de la constitution
européenne. Le Sénat prend une part active a l’harmonisation des
normes et du droit polonais avec l’acquis communautaire. Nous avons
ainsi été amenés a amender toute une série de propositions de lois
soumises par la chambre basse, afin de faciliter cette harmonie
entre nos dispositions et le droit communautaire.
Il est probable, toutefois, que les discussions
relatives a des changements dans les fonctions du Sénat sont
appelées a se poursuivre en Pologne.
En conclusion, il convient de souligner le chemin
parcouru par la Pologne depuis un Sénat représentant les couches
supérieures de la société jusqu’a une institution représentative de
l’ensemble de celle-ci.
Mesdames et Messieurs, apres plus de cinq cents ans
d’existence du Sénat polonais, nous continuons d’expérimenter de
nouvelles réflexions quant a sa contribution au systeme politique,
en vue d’accroître son efficacité et sa capacité a réagir aux
attentes de la société polonaise.
Si vous me le permettez, Monsieur le Président, je
souhaiterais évoquer deux questions, qui ne sont pas directement
liées au theme central de nos discussions.
Comme vous le savez, la Pologne s’est vue accorder
l’honneur d’organiser la 6e réunion de notre association. Aussi,
nous sommes tres heureux de pouvoir vous convier a Varsovie les
lundi 24 et mardi 25 mai 2004. Le theme proposé sera le suivant: «
Le rôle des parlements nationaux au sein de l’Union européenne
».
En outre, mai 2004 sera aussi le premier mois au
cours duquel nous jouirons du statut de membres de l’Union élargie a
25. Pour nous autres nouveaux membres, il sera naturellement tres
intéressant de recueillir les avis des membres plus anciens a propos
du rôle des parlements nationaux au sein de l’UE, sur la forme que
devraient revetir leurs relations avec le Parlement européen et sur
l’état réel de ces relations. Je pense qu’il s’agirait la d’un theme
particulierement stimulant pour la réunion eu égard notre statut de
nouveaux membres. Je serais heureux de connaître votre sentiment a
ce propos.
J’aurai une deuxieme question; nous avons tous en
notre possession les « Statuts de l’Association des Sénats d’Europe
». Il me semble que ceux-ci mériteraient aujourd’hui d’etre
complétés. J’estime qu’il serait nécessaire de réviser ce document
ou figure la seconde chambre croate, qui n’appartient pourtant plus
a notre association, puisqu’elle n’existe plus. A l’inverse, le
Conseil de la fédération de l’Assemblée fédérale de la Fédération de
Russie, cette seconde chambre dont la délégation est présente parmi
nous aujourd’hui, ne figure pas sur ce document.
Il m’intéresserait aussi de savoir ce qu’il est de
l’Irlande et de la Grande-Bretagne: comment se fait-il qu’elles ne
comptent pas parmi les membres de notre association? Peut-etre
devrions-nous envisager quelque démarche en ce sens, afin que notre
association puisse se prévaloir d’etre la plus large et la plus
universelle possible.
Voici en somme tout ce sur quoi je souhaitais
m’exprimer. Merci de votre attention.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Je vous remercie, Monsieur le Président. Je pense
que nous retiendrons tous cette date de 1493, non pas tant parce
qu’elle renvoie a celle de la découverte des Amériques, que parce
qu’elle marque le début de la longue histoire du Sénat polonais.
Nous n’avons pas manqué d’entendre, cher
Longin, vos paroles a propos du lien qui existe entre
l’indépendance et la liberté de la Pologne d’une part et l’existence
du Sénat, d’autre part. Lorsque l’indépendance est usurpée, il en va
de meme de la liberté et le Sénat cesse alors d’exister. Je veux
croire qu’une telle relation ne vaut pas seulement pour vous, mais
pour nous tous.
J’ai demandé a Monsieur le Président, qu’il nous
fasse des a présent part de ses vues quant au theme de notre
prochaine assemblée, afin que nous disposions de suffisamment de
temps pour nous pencher sur les propositions de notre futur hôte et,
que nous puissions d’ici a la fin de nos débats, manifester notre
accord ou les préciser le cas échéant.
Je vous remercie, Monsieur le Président. A présent,
j’appelle le Président du Conseil fédéral de la République
d’Autriche, Monsieur Hans Ager, a prendre la parole.
Monsieur Hans Ager, Président du Conseil fédéral
de la République d’Autriche:
Je vous remercie, Monsieur le Président. Mesdames
et Messieurs, chers collegues, chers amis,
En premier lieu, j’aimerais remercier le Président
du Sénat tcheque, Monsieur Petr Pithart pour son hospitalité
et pour la remarquable organisation de ces rencontres. Recevez pour
cela mes plus sinceres remerciements.
Nos hôtes, dans leur remarquable ouvrage consacré
au Sénat tcheque ont inséré un chapitre dédié au bicamérisme dans
l’histoire tcheque. Ce chapitre commence en 1848, avec les débats
constitutionnels a la Diete impériale, inaugurés a Vienne, avant
d’etre transférés a Kromìøíž.
Lors de ces débats, il apparut que l’introduction
d’un systeme dans le parlement autrichien, faisait partie de la
problématique constitutionnelle. Nul ne mettait en cause la
caractere indispensable d’une seconde chambre, il s’agissait en
revanche d’en définir la forme et les prérogatives. C’était la
l’objet des débats.
Il en alla différemment 70 ans plus tard, lors de
la fondation de la République d’Autriche et de la République
tchécoslovaque. Dans les deux Etats, certaines forces politiques, au
premier rang desquelles la social-démocratie, imposerent leur
revendication de systemes monocaméraux. Pourtant, dans les deux cas,
un systeme bicaméral s’imposa en définitive, qui appartient
désormais aux fondements constitutionnels de l’Autriche comme de la
République tcheque.
Aujourd’hui, 19 des 47 Etats européens de structure
démocratique présentent des systemes bicaméraux et selon une étude
de 1997, 66 des 193 Etats du monde avaient adopté une structure de
ce type. Le principe bicaméral est donc incontournable, tant en
théorie politique que dans la pratique.
Cependant, en quoi réside l’importance d’une
seconde chambre dans une démocratie moderne, quel est son rôle? Les
réponses a ces questions nous engagent dans deux directions. D’une
part, ce systeme favoriserait une amélioration de la qualité de la
législation - c’est la l’unique argument justifiant l’existence de
deux chambres structurées de la meme maniere sur le plan politique;
d’autre part, il permettrait la représentation de certains intérets.
La seconde fonction mentionnée est aussi la plus ancienne.
Tandis que l’idée d’assigner un rôle central a la
seconde chambre dans un systeme de « checks and balances »
suppose que celle-ci se voit attribuer une position similaire, voire
équivalente a celle de la premiere dans le processus législatif,
cela n’est en revanche pas indispensable pour que s’exerce la
deuxieme fonction pretée aux secondes chambres – a savoir celle de
l’amélioration de la qualité du processus législatif. Cette
argumentation déduit d’une répartition de l’examen des textes entre
deux chambres – indépendamment de leur composition politique – un
reglement plus approfondi des matieres en question et voit dans
l’insertion d’une chambre « de révision » (la seconde chambre) dans
le systeme législatif, une chance de corriger des dispositions
adoptées précédemment, au terme d’un examen trop rapide ou en des
termes insuffisamment réfléchis, avant qu’elles ne reçoivent force
de loi.
Par ailleurs, au travers de cette fonction de «
chambre de réflexion », la seconde chambre s’octroie un rôle
fondamental, que ne peut exercer la premiere chambre, soumise a
l’agenda de la politique au jour le jour et offre une garantie a
plus long terme de la qualité du processus politique.
Afin qu’elle remplisse cette fonction de garantie
de qualité, il suffit d’accorder a la seconde chambre des
compétences supplémentaires par rapport a la chambre basse – tel
qu’un veto suspensif. La comparaison des compétences des deux
chambres – et de leur exercice – permet de souligner quelle place
occupe la seconde chambre dans la hiérarchie constitutionnelle et
quel rôle elle exerce dans la réalité constitutionnelle.
Dans l’idéal, les deux chambres peuvent etre
placées sur un pied d’égalité ou bien la seconde peut etre investie
de prérogatives moins importantes que la premiere. Toutefois, il est
possible de déceler des niveaux intermédiaires dans de nombreux
systemes politiques. A savoir, meme si les deux chambres se voient
attribuer par la constitution une position tout a fait ou
pratiquement identique, la seconde cede a la premiere ses
prérogatives en matiere de conception des lois et n’exerce les
autres qu’avec parcimonie. Cela est du parfois au déficit de
légitimité ressenti par ses membres ou bien, de plus en plus
souvent, a des conditions imposées par les partis ou l’Etat en
question. L’évolution des fonctions capitales des deux chambres dans
le sens d’une garantie de qualité de la législation a souvent
débouché au XXeme siecle sur une tendance politico-constitutionnelle
accordant des pouvoirs réduits a la seconde chambre par rapport a la
premiere.
De l’idée générale selon laquelle la fonction de la
seconde chambre consiste en une garantie de liberté au moyen d’une
division du pouvoir législatif, une ligne d’argumentation s’est en
particulier imposée au XXeme siecle et, au travers de celle-ci, un
certain type de seconde chambre, dans la discussion théorique tout
comme dans la pratique politique: celui de chambres territoriales,
qui dans les systemes fédéraux sont appelées a défendre les intérets
régionaux vis-a-vis d’une majorité nationale abstraite. Ainsi la
seconde chambre remplit-elle également une fonction importante de
représentation des régions dans des pays qui n’ont pas adopté
formellement une structure fédérale, tels que l’Espagne.
Le Conseil fédéral autrichien que j’ai l’honneur de
représenter ici, est appelé, en tant que chambre territoriale, a
faire valoir les intérets des Etats fédérés dans le cadre du
processus d’élaboration de la législation fédérale. Dans un Etat
pluraliste moderne, il apparaît de maniere naturelle que les
intérets des Etats et l’intéret fédéral ou national se chevauchent
et qu’une fonction de médiation incombe aux partis politiques
agissant a ces deux niveaux.
La dynamique particuliere qui caractérise
l’évolution d’une société moderne implique que les mécanismes
permettant la formulation de la volonté de l’Etat, conçus dans un
autre contexte social général, soient régulierement soumis a examen,
afin de savoir s’ils correspondent toujours a l’esprit de l’époque
ou s’ils doivent faire l’objet d’adaptations. Ce principe a conduit
récemment l’Autriche a entamer l’examen d’un projet de révision
constitutionnelle. Une convention composée de représentants de
l’échelon fédéral, des Etats fédérés, des communes et de divers
groupes sociaux, dénommée « Convention autrichienne », a commencé de
siéger, afin de préparer des réformes portant sur les lois
organisationnelles et constitutionnelles. Dans ce cadre, les
conventionnels doivent réfléchir aux domaines d’action et aux buts
de l’Etat et de ses institutions, a la division des rôles entre les
entités régionales, ainsi qu’aux mécanismes de contrôle
démocratique.
Le systeme bicaméral autrichien s’apprete
aujourd’hui a franchir une nouvelle étape dans son évolution. Les
parlements en général et les secondes chambres en particulier
doivent a l’instar des autres institutions étatiques, renouveler
leur réflexion a propos de leurs rôles dans une société moderne et
s’adapter aux besoins des citoyennes et des citoyens, aupres
desquels ils trouvent leur légitimité.
Dans ce contexte, les secondes chambres, a l’image
du Conseil fédéral autrichien, sont appelées a faire valoir le point
de vue des régions aux niveaux politiques nationaux et européen.
Ceci me paraît correspondre a la conscience grandissante de
l’importance des identités régionales, a laquelle fait écho le mot
d’ordre de « l’Europe des régions », expression d’une politique de
proximité, qui doit etre au cour de notre mission de
parlementaires.
Je vous remercie de votre attention.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Je vous remercie de cette stimulante contribution,
qui a su notamment évoquer certains fondements théoriques du
bicaméralisme et nous rappeler des événements importants de
l’histoire européenne. Vous ne me contredirez sans doute pas si je
mentionne a ce propos la tradition autrichienne de réflexion sur le
bicaméralisme. L’un de vos prédécesseurs, le professeur Herbert
Schambeck, fut a la fois Président de la seconde chambre et l’un
des plus importants théoriciens de ce systeme politique en Europe.
Notre rencontre avec lui, alors que notre Sénat s’instituait a
peine, fut particulierement inspirante. Aussi, je vous prie de bien
vouloir lui transmettre nos plus respectueuses salutations.
Je vous remercie également tres vivement d’avoir
évoqué l’épisode de la Chambre des seigneurs, que nous autres
Autrichiens, Tcheques, Moraves et Silésiens avons partagé au cours
du XIXeme siecle.
A présent, je passe la parole au Président du
Conseil national de la République de Slovénie, Monsieur Janez
Sušnik.
Monsieur Janez Sušnik, Président du Conseil
national de la République de Slovénie:
Nous aimerions remercier Monsieur le Président de
nous avoir conviés a la 5eme réunion de l’Association des Sénats
d’Europe, de l’hospitalité qui nous a été réservée ici ainsi que de
l’organisation exemplaire de cette assemblée. Nous apprécions tout
particulierement le site qui accueille cette 5eme réunion: un site
rempli d’histoire et d’une remarquable beauté.
Notre chambre est extremement récente. Elle a été
fondée en vertu de la constitution adoptée en 1991, apres la
désintégration de la Yougoslavie. La constitution slovene dispose
que le Conseil national représente les intérets sociaux,
économiques, professionnels et locaux. Il est composé de
représentants des intérets professionnels et sociaux, d’une part et
de représentants d’intérets territoriaux (locaux), d’autre part.
Ces intérets, qui recouvrent pratiquement
l’ensemble des principaux secteurs de la société sont confrontés les
uns aux autres, au travers des quarante membres du Conseil. Parmi
ces derniers, quatre représentent les employeurs, quatre autres les
employés, quatre représentent les agriculteurs, les PME et les
travailleurs indépendants, tandis que les organisations a but non
lucratif sont représentées par six conseillers et les intérets
locaux, par vingt-deux autres.
Les intérets des différents groupes sociaux
trouvent dans le cadre du Conseil national, un lieu de confrontation
au niveau institutionnel et le processus de décision intervient sur
la base d’un échange d’avis entre professionnels. Afin de préserver
un haut niveau de professionnalisme parmi ses membres et d’éliminer
la dimension politique dans le fonctionnement du Conseil national,
les constituants ont stipulé que les membres devaient continuer a
exercer leurs professions, afin de demeurer en contact quotidien
avec la sphere qu’ils sont amenés a représenter.
Le Conseil national est composé de maniere a
neutraliser l’influence des partis politiques qui sont par ailleurs
directement impliqués dans l’activité législative de l’Assemblée
nationale. Néanmoins, en dépit des bonnes intentions du législateur,
on ne peut affirmer avec certitude que les partis politiques
n’exercent aucune influence au Conseil national.
De ce que je viens d’exposer, il découle que le
Conseil national, au contraire de l’Assemblée, n’est pas le
représentant de l’ensemble des citoyens de la République de
Slovénie, mais celui des intérets sociaux particuliers. Sa position
et sa structure nécessitent par conséquent un systeme électoral
approprié, qui doit se distinguer de celui mis en ouvre lors des
élections législatives. Des différences fondamentales se manifestent
donc dans le mode de scrutin, les conditions d’exercice du droit de
vote, la participation des partis, le systeme de répartition des
mandats et la durée de la législature.
Le Conseil national est pourvu exclusivement par le
biais d’élections. Cela signifie que ses membres sont nécessairement
des membres élus et ne peuvent etre désignés par nomination, par
exemple. Le mode de scrutin pour l’élection du Conseil national
n’est pas précisé par la constitution mais le législateur est
parfaitement habilité a régler cette question par la loi, en
appliquant la majorité des deux tiers.
La structure du Conseil national, sa position et
ses prérogatives requierent un scrutin indirect, organisé au niveau
des différents groupes d’intérets représentés, et/ou au niveau
local. Par rapport au suffrage direct, le scrutin indirect permet
d’établir un lien plus étroit entre les membres des groupes
d’intérets et leurs représentants. Pour cette raison, il n’est pas
nécessaire que les partis politiques soient représentés lors de ces
élections, alors qu’il s’agit la d’un élément indissociable du
processus électoral dans le cas d’un organe représentant l’ensemble
des citoyens. Toutefois, ainsi que je l’ai souligné, l’activité du
Conseil national n’est pas exempte d’influences politiques.
La principale source d’influence s’exerce au
travers des membres du Conseil qui représentent les intérets locaux.
Ceux-ci sont en effet élus par des organes représentatifs locaux,
eux-memes constitués lors d’élections générales, au cours desquelles
les partis politiques exercent une influence déterminante. En
revanche, cette influence est bien moindre en ce qui concerne les
représentants des groupes d’intérets sociaux et professionnels.
En ce qui concerne l’exercice du droit de vote,
l’organe législatif a fondé dans les dispositions constitutionnelles
que ce droit appartient a tout individu ayant atteint l’âge de 18
ans. Ce droit s’applique toutefois différemment pour l’Assemblée et
le Conseil national. Dans ce dernier cas, il ne s’agit pas d’un
droit égal et universel, puisqu’il n’est accordé qu’aux personnes
appartenant aux groupes d’intérets représentés au Conseil. Ainsi,
seules sont investies de ce droit les personnes exerçant des
fonctions précises ou bien leur activité professionnelle dans le
cadre de l’un des groupes d’intérets représentés. Quant aux
représentants des intérets locaux, seuls sont habilités a les élire
les personnes ayant leur résidence permanente dans la
circonscription électorale concernée.
Si, dans le cas des législatives, seuls les
citoyens slovenes disposent du droit de vote, des étrangers peuvent
participer a l’élection du Conseil national. La constitution de la
République de Slovénie laisse aux soins du législateur de définir
dans quels cas et a quelles conditions les étrangers peuvent
bénéficier du droit de vote. Le législateur a décidé lors de
l’adoption de la loi sur le Conseil national d’utiliser cette
possibilité constitutionnelle et a accordé le droit de vote aux
étrangers qui résident en Slovénie, y exercent une activité définie
et/ou y sont employés. Ce droit de vote est bien entendu uniquement
actif dans le cas des étrangers. Cela signifie que ceux-ci peuvent
désigner les membres du Conseil, mais ne peuvent etre eux-memes élus
conseillers. La raison de cette restriction provient du fait que le
Conseil national dispose de prérogatives importantes dans le domaine
législatif et qu’a ce titre, des étrangers ne peuvent en etre
membres.
En outre, les conseillers sont élus pour cinq ans,
la ou les députés ne sont élus que pour quatre années. C’est le
Président de l’Assemblée qui convoque les élections générales au
Conseil national, alors que c’est le Président de la République qui
convoque les législatives. Dans le cas ou certains membres du
Conseil n’accomplissent pas toute la durée de leur mandat, la
présidence de l’Assemblée convoque des élections partielles.
A la différence des élections pour l’Assemblée
nationale, qui se déroulent le dimanche ou jours fériés, celles pour
le Conseil national peuvent etre organisées en semaine. Si ces
élections ne doivent pas intervenir le meme jour, la loi dispose que
le scrutin doit en revanche se dérouler sur une seule et meme
semaine.
Les membres du Conseil national sont élus au
scrutin indirect, a la majorité relative. En vertu de ce principe,
c’est le candidat ayant obtenu le plus grand nombre de voix est
investi du mandat. Dans le cas ou deux ou plusieurs candidats
obtiennent le meme nombre de votes, la décision s’effectue par
tirage au sort.
La loi prévoit des aménagements spécifiques pour
l’élection des membres, selon leur position au sein des différents
groupes d’intérets.
Ainsi, dix-huit membres du Conseil représentant des
intérets sociaux et professionnels sont élus par un college
électoral composé de grands électeurs, eux-memes désignés par les
organisations et groupes d’intérets, selon leurs regles respectives.
Chaque organisation d’intéret (Chambre de commerce, Union,
Association, Société ou toute autre organisation professionnelle de
compétence nationale) désigne un certain nombre d’électeurs appelés
a siéger dans le cadre du college électoral. Ce nombre dépend du
nombre de membres de l’organisation en question; chaque organisation
désigne au moins un électeur, le nombre d’électeurs supplémentaires
dépendant d’un nombre défini de membres. Ainsi, l’organisation
regroupant les employeurs désigne un représentant de plus pour dix
mille membres, tandis que l’organisation professionnelle des
agriculteurs en désigne un pour mille membres, l’organisation des
PME, un pour cinq cents; celle des professions libérales ou des
organisations a but non lucratif, un pour tous les cent membres.
Chaque organisation d’intéret désigne par ailleurs
un ou plusieurs de ses membres comme candidats. Dans le cas ou l’une
d’elle désigne plusieurs candidats, les chances de certains sont
réduites, dans la mesure ou l’on peut procéder a une répartition des
voix.
Les quatre représentants des employeurs sont élus
par les chambres de commerce et les associations patronales ayant
une dimension nationale.
Les quatre représentants des employés sont élus par
un college électoral composé de représentants élus des organisations
syndicales représentatives au niveau national, soit de syndicats
dont les membres sont considérés par la loi comme représentatifs des
travailleurs dans différents domaines.
Le groupe d’intéret des agriculteurs, des PME et
des professions libérales est composé de quatre représentants.
Chacune des deux dernieres organisations dispose d’un représentant
élu par l’organe désigné par les organisations professionnelles des
travailleurs de PME, tandis que les agriculteurs en disposent de
deux, élus par un organe composé de représentants désignés par les
organisations nationales d’agriculteurs.
La désignation des représentants d’activités non
commerciales est la plus diversifiée. Non prévue par les
constituants, la représentation d’activités non commerciales a
cependant été jugée nécessaire lors de l’adoption de la loi sur le
Conseil national: l’université et les établissements d’enseignement
supérieur disposent d’un représentant, de meme que l’éducation
primaire et secondaire, la recherche, la culture et les sports, la
santé et la sécurité sociale.
En ce qui concerne l’élection des représentants des
intérets locaux, elle s’est déroulée dans un premier temps au
scrutin direct. L’organe législatif s’était décidé pour ce mode de
scrutin du fait que la réforme des collectivités locales n’avait pas
encore été mise en ouvre. Pour cette raison, une élection indirecte
semblait inadaptée a cette phase transitoire, puisqu’elle aurait
émané d’une organisation de l’administration locale amenée a etre
changée pendant la législature du Conseil national, ce qui s’est
effectivement produit.
Actuellement, la loi sur le Conseil national
stipule que sont élus au niveau local vingt deux membres
représentants les intérets locaux. Afin de pouvoir procéder a ces
élections, la République de Slovénie a été divisée – aux termes de
la loi – en 22 circonscriptions ad hoc. De cette maniere, un
représentant au Conseil national est élu dans chacune de ces
circonscriptions, qui correspond a une entité existante, du point de
vue géographique, historique et de par ses intérets spécifiques.
Dans ce cas également, les membres du Conseil
national sont élus par un college électoral spécifique, qui peut
etre dans certains cas un organe représentatif au niveau local, s’il
s’avere que la circonscription électorale pour le Conseil national
recouvre le territoire dont il la charge. Ils peuvent etre également
élus par des organes distincts des organes représentatifs locaux et
composés de représentants élus localement. C’est le cas lorsque la
circonscription électorale pour les élections au Conseil national
correspond aux territoires de plusieurs communautés locales.
Les conseils de chacune des communautés concernées
sont alors appelés a désigner un nombre de représentants au college
électoral proportionnel a leur population. En revanche, au contraire
des groupes d’intérets, chaque conseil ne peut désigner qu’un
candidat au poste de conseiller national. Le nombre de candidats
correspond donc a celui des communautés dans la circonscription
électorale.
En conclusion, il est important de mentionner que
le Conseil national est a l’origine d’une proposition de loi visant
a réformer son propre mode d’élection.
Au début des années 1990, la Slovénie a adopté un
nouveau systeme juridique démocratique, qui constituait un virage
important dans l’évolution de ses institutions. De nouvelles
institutions d’Etat furent fondées, de meme que de nouvelles
organisations d’intéret, notamment sur la base du droit de réunion
et d’association. Aujourd’hui, la situation sociale est différente.
Les institutions étatiques se sont ancrées dans le systeme
juridique, l’importance des différentes organisations d’intéret
s’est mise en évidence et le nombre de communautés locales a
augmenté. Le Conseil national, fondé en fonction du contexte social
de l’époque est parvenu a la conclusion qu’apres dix années de bon
fonctionnement, il convient d’élaborer une réforme de son mode
d’élection, afin de l’adapter aux conditions sociales d’aujourd’hui.
Nous sommes convaincus qu’avec l’aide des spécialistes en droit
constitutionnel de la Faculté de droit de Ljubljana, ce projet sera
couronné de succes.
Mesdames et Messieurs, permettez-moi de dire
quelques mots a propos du rôle des parlements nationaux au sein de
l’Union européenne. J’accorde une grande importance au fait que le
Président du Sénat tcheque, Petr Pithart, ait organisé cette
5eme réunion de l’Association des Sénats d’Europe alors meme que se
tient la 6eme conférence intergouvernementale, a Rome. Cette
rencontre des représentants des Etats membres porte sur la
modification des textes fondamentaux de l’Union européenne. L’on
s’attend a ce que le nouveau traité instituant une Constitution pour
l’Europe jette les bases de nouvelles relations entre les parlements
nationaux et l’Union européenne. Afin de contribuer a combler le
déficit démocratique existant, nous accueillons favorablement tout
progres en vue d’une meilleure information des parlements européens
quant aux affaires de l’Union, ainsi que ceux en faveur de leur plus
forte intégration aux processus décisionnels fondamentaux au sein de
l’Union.
La contribution des parlements nationaux dans le
cadre de l’Union européenne tend assurément a s’accroître. Aussi,
est-il juste et rationnel de s’attendre a ce que les secondes
chambres s’associent elles aussi au processus de décision a
l’échelle de l’Union. D’une part, il est important d’exercer un
contrôle sur l’activité du gouvernement en ce domaine et dans le
meme temps, de conserver la possibilité d’influencer l’élaboration
de la position des Etats membres lors des rencontres au niveau
européen. D’autre part, l’implication directe des parlements
nationaux est importante dans le cadre de l’application du principe
de subsidiarité.
Le Conseil national de la République de Slovénie
s’efforce de s’associer au travers de ses fonctions de seconde
chambre, au reglement des affaires de l’Union européenne. A cette
fin, la Slovénie a modifié sa constitution, par l’adjonction de
l’article 3 a), dit article sur l’Europe, qui définit entre autre
les relations entre le Parlement et le gouvernement slovenes quant
aux affaires de l’Union européenne. Actuellement, une loi est en
cours d’élaboration, dont l’objet est de préciser encore davantage
les dispositions constitutionnelles a cet égard. Si nous sommes des
partisans du systeme bicaméral, nous n’en souhaitons pas moins une
collaboration des deux chambres avec le gouvernement sur les
affaires de l’Union européenne, au moyen d’un organe de travail
commun – ou de plusieurs – investis des compétences nécessaires en
ce domaine.
Pour cette raison, le Conseil d’Etat de la
République slovene se tourne vers l’ensemble des membres de cette
association, et les invite a ce que nous enrichissions cette réunion
d’une conclusion par laquelle nous affirmerons l’importance
considérable du traité fondant la constitution européenne
actuellement discuté a Rome. Nous souhaitons souligner l’importance
et le rôle des protocoles du Traité instituant une constitution pour
l’Europe (notamment ceux portant sur le rôle des parlements
nationaux dans le cadre de l’Union européenne et le contrôle des
principes de proportionnalité et de subsidiarité) pour les
parlements nationaux chargés de décider des affaires de l’Union
européenne, ainsi que celle de l’activité des deux chambres en ce
domaine. Il s’agit la d’une compétence importante des parlements
nationaux et en particulier des secondes chambres, car c’est de
cette façon que nous contribuons a un meilleur contrôle démocratique
au sein des Etats membres et a combler le déficit démocratique a
l’échelle de l’Union européenne.
C’est sur ce constat, chers collegues et amis, que
je terminerai mon allocution. Nous voulons ainsi contribuer a la
discussion commune au nom de la Slovénie, qui comprend, une fois de
plus, la nécessité de l’existence d’un systeme bicaméral. La
présence de la Slovénie a cette réunion l’atteste. Je souhaitais
vous remercier, chers collegues et amis, qu’il m’ait été donné la
possibilité de réfléchir avec vous a ce theme qui nous
rassemble.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Je vous remercie, Monsieur le Président
Sušnik. Votre sénat appartient aux plus récents, il ne semble
pas s’appuyer sur une longue tradition historique et cependant, vous
avez su ouvrir une voie originale. C’est la un témoignage du fait
qu’il existe un large espace ouvert pour les secondes chambres.
Certains faits ont en particulier retenu toute mon
attention. Votre seconde chambre est dans une large mesure conçue
comme la représentante d’intérets. Il m’intéresserait de savoir s’il
y a la une certaine réminiscence de l’autonomie d’intéret du systeme
yougoslave, ou bien s’il n’existe aucun lien avec celui-ci.
Les propos par lesquels vous avez abordé la
neutralisation des influences partisanes au sein du Conseil national
m’ont également interpellé. De fait, plusieurs ont mentionné cette
distinction entre l’aire d’action des partis d’une part et la
seconde chambre d’autre part, mais nul n’est allé aussi loin, en
utilisant le terme „neutraliser“, quand bien meme vous l’avez par la
suite relativisé en soulignant qu’il y existe bien sur des
tentatives de mainmise politique.
Je pense que cette différenciation est l’une des
plus importantes et qu’il s’agit en l’occurrence d’en trouver la
juste mesure. Il s’agissait la d’un point intéressant et je vous
remercie de l’avoir abordé.
A présent, quelques indications techniques:
j’invite les chefs de délégation dans le jardin Wallenstein, sur les
escaliers de la « Salla Terrena », afin de prendre une photo de
famille. Bien qu’il pleuve un peu dehors, nous avons fait en sorte
que vous ne receviez pas une goutte.
Nous allons attendre tout le monde. Nous ne
prendrons pas la photo tant qu’il manquera l’un d’entre vous. Aussi,
je vous demande bien vouloir vous laisser guider par nos
responsables du protocole.
Ensuite, suivra un déjeuner dans la salle a manger
du Sénat. Je vous serais reconnaissant d’utiliser ce temps, pour
discuter entre vous les observations de Monsieur le Président
Pastusiak: l’une portant sur la date, la seconde sur le theme
de notre prochaine réunion, qui n’intéressera peut-etre pas tous les
sénats, s’ils ne sont pas membre de l’Union européenne et enfin, la
troisieme concernant les sénats qui ne sont pas encore membres de
notre association. Il serait bon que vous disposiez déja d’un
premier avis sur ces questions lorsque nous reprendrons nos
débats.
Je porte a votre attention l’ouvrage récemment
édité „The Czech Senate: History and Presence“, qui vous
attend dans l’antichambre de la Salle de réunion.
A présent j’invite les chefs de délégation a pendre
le chemin de la Salla Terrena.
Je vous souhaite bon appétit !
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Mesdames, Messieurs, nous allons reprendre nos
discussions et ouvrir cette session d’apres-midi.
Je donne a présent la parole a Monsieur le
Vice-président du Parlement de Roumanie, Monsieur Dan Mircea
Popescu. Je vous en prie, Monsieur le Vice-président.
Monsieur Dan Mircea Popescu, Vice-président du
Sénat du Parlement de la Roumanie:
Monsieur le Président du Sénat de la République
tcheque, chers invités, Mesdames et Messieurs.
Je suis honoré de participer a la 5eme
réunion de l’Association des Sénats d’Europe, convoquée dans une si
belle capitale.
L’intéressante hypothese de cette réunion est d’une
parfaite actualité pour l’ensemble de la société démocratique
européenne. La question de l’efficacité du systeme parlementaire
bicaméral joue un rôle de premier plan, et cela vaut également pour
la Roumanie, pays qui a traversé des difficultés tant politiques,
économiques et sociales qu’au niveau législatif, en rapport avec les
transformations fondamentales de la société roumaine en cours de
transition.
En ce qui concerne la sphere politique, la Roumanie
a su mettre sur pied au cours des dernieres années une démocratie
qui fonctionne et qui a subi avec succes l’épreuve d’une alternance
gouvernementale. On a pu assister au développement de la société
civile, laquelle se met de maniere croissante en valeur, en tant que
partenaire utile et efficace et en tant que catalyseur du débat
public. Pendant cette période, nous avons réussi a édifier et a
faire fonctionner des institutions, qui ont bénéficié des transferts
de compétences découlant de leur légitimité et de leurs fonctions.
Avec le soutien de nombreux amis et partenaires de la Roumanie, dont
certains assistent aujourd’hui a cette réunion, nous avons élaboré
une constitution moderne et démocratique, adoptée en 1991, et appris
a la nation a assumer les impératifs impliqués par une démocratie
fonctionnelle.
La réforme économique, entamée au début des années
quatre-vingt-dix, époque ou les institutions et les mécanismes
faisaient encore défaut, imposa des couts sociaux particulierement
élevés et lourds a supporter. Il nous aura fallu plus de dix ans
pour reprendre la direction d’une croissance économique stable,
processus qui aura marqué les quarante-deux derniers mois. Mais
force m’est de constater que la relance économique ne nous a pas
encore permis d’arriver au stade de l’accroissement du
bien-etre.
La pauvreté se présente comme le probleme clé dans
la sphere sociale. Nous nous rendons pleinement compte de ce que la
pauvreté ne peut etre réduite durablement qu’a condition de
poursuivre les réformes économiques et de créer rapidement de
nouveaux emplois plus stables et mieux payés.
Nous réalisons aussi que nous sommes tenus de
résoudre nos problemes économiques et sociaux par nos propres
forces, au moyen des efforts concertés de l’ensemble des forces
politiques responsables, pour qu’il soit possible de construire les
bases et les institutions d’une bonne gestion.
En dépit des difficultés et des carences de la
société roumaine, je suis intimement convaincu que la Roumanie s’est
engagée sur une bonne voie et que les progres acquis dans tous les
domaines commencent a porter leurs fruits. Les Roumains ont compris
que la démocratie est un systeme politique meilleur et plus
efficace. La société roumaine a évolué et créé les bases de la
cohésion nationale et de la solidarité sociale. Elle est prete a
assumer de nouvelles responsabilités découlant de son futur statut
de membre de l’OTAN et de l’Union européenne.
Chers collegues, lors de la confrontation avec les
grands défis de la société nouvelle qui se développe dans tous les
domaines – politique, institutionnel, économique, social,
administratif, juridique, culturel, moral – le Parlement n’a pas
toujours su etre a la hauteur de sa tâche. Dans un premier temps, il
n’a pas été a meme de suivre le pas, du fait de procédures lourdes,
des pouvoirs et des fonctions identiques des deux chambres, des
lenteurs dans la résolution des conflits, des débats sans fin menés
au sein des commissions et lors des sessions plénieres et, parfois,
suite a l’absence de délais pour l’élaboration des rapports des
commissions concernées. Pour toutes ces raisons, l’opinion publique
avait tendance a considérer le Parlement plutôt comme une entrave
que comme un partenaire dans le développement de la société. Un
changement radical de l’ordre du jour des chambres en vue
d’accélérer la procédure législative fut donc de rigueur. Ce
changement s’est pourtant avéré insuffisant.
Il va donc sans dire que, ces dernieres années, la
Roumanie a vu s’exprimer toute une série d’opinions, face a la
nécessité de perfectionner notre systeme parlementaire et aux
besoins d’une révision des rapports entre les deux chambres et d’une
différenciation de leurs pouvoirs et fonctions.
Récemment, les longues discussions entre les partis
représentés au Parlement ont débouché sur un amendement de la
Constitution. Le projet d’amendement constitutionnel tend a rendre
les activités du Parlement plus efficaces en s’appuyant sur une
différenciation des compétences et des fonctions des deux chambres.
La spécialisation des deux chambres, qui consiste en une répartition
sur des domaines différents de fonctions et prérogatives identiques
se répercutera de façon positive dans le perfectionnement de la
procédure de prises de décisions dans le cadre du systeme
bicaméral.
Les changements fondamentaux de la vie sociale,
économique et politique du pays et, surtout, la perspective de
l’adhésion a l’UE et a l’OTAN ont imposé l’absolue nécessité d’une
révision de la Constitution. L’édification d’un cadre
constitutionnel et législatif adéquat constitue un puissant facteur
en vue de réaliser ces objectifs. J’ai ici en particulier a l’esprit
la démarche et les compétences de l’organe législatif lors de
l’adoption des lois ayant trait au processus d’intégration, ainsi
que l’importance de la Constitution pour la garantie de la
souveraineté, la construction d’un espace commun de sécurité et de
justice, l’état des forces armées, les relations patrimoniales,
etc.
Le projet de révision de la Constitution établit le
principe de la séparation et de l’équilibrage des pouvoirs au sein
de l’Etat, et ceux de la libre initiative et de la concurrence comme
fondements de l’économie de marché. Il définit le rôle des
employeurs dans la société roumaine, réduit l’immunité parlementaire
uniquement aux aspects politiques du mandat et limite l’utilisation
des ordonnances gouvernementales d’urgence, leur usage ayant pris au
fil des dernieres années des proportions alarmantes. Nous avons
modifié, par exemple, le statut des procureurs que nous appelons
dorénavant ministres publics; leur objectif est de protéger les
droits des citoyens. Nous avons institué la Cour constitutionnelle
comme garante du caractere constitutionnel des lois. En modifiant
notre Constitution, nous tendons a augmenter l’indépendance de la
justice, conformément aux standards de l’Union européenne. Ainsi nos
tribunaux pourront-ils se saisir des affaires dans des délais
satisfaisants. En adoptant en outre le principe de juste proces,
nous serons amenés a modifier nos procédures pénales et a renforcer
l’institution judiciaire, ainsi que la responsabilité des juges.
Nous introduirons par la suite dans le systeme juridictionnel de
nouveaux éléments, tel le droit d’employer les langues minoritaires
devant les tribunaux et dans l’administration, l’abolition du
service militaire obligatoire, l’autorisation pour les étrangers
d’acheter des biens fonciers en Roumanie, etc.
Le projet de révision de notre Constitution fera
l’objet d’une consultation nationale, le 19 octobre prochain.
L’adoption de la Constitution modifiée accélérera l’évolution
positive de la société roumaine. Nous croyons que les changements en
cours nous rapprochent des évolutions qui interviennent au niveau
européen et au niveau des structures européennes.
L’année 2007 sera marquée par l’adhésion de la
Roumanie a l’UE. Dans cette perspective, nous sommes appelés a
envisager d’autres modifications nécessaires de nos structures
institutionnelles, au premier rang desquelles le Parlement, afin
d’assurer la cohérence et l’efficacité de notre démarche.
L’Europe unifiée se doit de s’appuyer sur une large
coopération. On ne peut y parvenir qu’au travers d’institutions
fortes, responsables et légitimes. Permettez-moi donc de saluer
encore une fois le fait que nous ayons pu nous rencontrer ici - une
belle occasion d’échanger nos expériences et de s’informer de ce qui
préoccupe d’autres parlements. Je vous remercie de votre
attention.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Je vous remercie, Monsieur le Vice-président. Nous
sommes nombreux a avoir été frappés par votre regard lucide, voire
critique sur l’évolution en Roumanie. Nous admirons d’autant plus
vos efforts sur cette voie difficile.
Les modifications prévues de la Constitution
s’inscrivent dans les efforts visant a s’affranchir du passé. Vous
constituez d’une certaine maniere un cas d’école; aux deux
extrémités d’un axe imaginaire, on trouve des chambres foncierement
différentes et d’autres, identiques. En ce qui vous concerne, vous
vous trouvez du côté des chambres identiques.
J’ai retenu vos propos concernant la lenteur des
procédures de médiation. Il y a une certaine logique dans ce que
vous avez dit. S’il existe des divergences entre de telles chambres,
il s’agit alors davantage de divergences fortuites, plus difficiles
a aplanir que celles qui découlent des logiques internes de deux
chambres distinctes. Votre expérience illustre bien l’hypothese sur
laquelle nous nous penchons et votre franchise est digne
d’admiration. Je vous remercie une fois encore.
Je donne maintenant la parole a Serguei
Mironov, président du Conseil de la Fédération de l’Assemblée
fédérale de la Fédération de Russie.
Monsieur Serguei Mironov, Président du Conseil
de la Fédération de l’Assemblée fédérale de la Fédération de
Russie:
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, je suis
tres heureux de pouvoir participer a ce forum hautement
représentatif. C’est la cinquieme réunion déja de l’association et
par la meme, la cinquieme réunion des secondes chambres
parlementaires. Recevez pour cela mes plus sinceres remerciements,
vous-meme ainsi que tous ceux qui ont organisé et préparé cette
réunion, dont l’objet est fondamental pour chaque pays doté d’un
parlement bicaméral. Cela est particulierement vrai pour les pays
dotés d’une structure fédérale.
J’aimerais d’abord exprimer au nom de notre
délégation notre reconnaissance aux hôtes de cette réunion pour
l’avoir formidablement préparée.
En décembre 2003, nous allons célébrer le 10eme
anniversaire de la constitution de l’Assemblée fédérale de la
Fédération de Russie. Des le début, celle-ci comportait deux
chambres. Pour le public, la Douma d’Etat et le Conseil de la
Fédération représentent les chambres basse et haute de l’Assemblée
fédérale, une désignation qui n’a pas été formellement validée.
Le systeme bicaméral s’est développé en Russie
durant une période historique difficile, marquée par la
consolidation et la stabilisation politique de l’Etat. Quant au
Conseil de la Fédération, il a connu durant cette période une
transformation dynamique.
La loi fédérale élaborée il y a trois ans,
définissant les nouvelles procédures appliquées pour la composition
du Conseil de la Fédération, en vertu de laquelle les sénateurs sont
amenés a travailler sur une base professionnelle durable, a permis
aux membres du Conseil de la Fédération de se concentrer davantage
sur les activités relevant du domaine législatif. Ceci nous a permis
de mettre sur pied une nouvelle formule de collaboration réguliere
de la chambre avec le Président et le gouvernement, les mécanismes
de cette collaboration ayant été fondamentalement actualisés. Furent
introduites de nouvelles modalités de collaboration, ainsi que des
rencontres régulieres avec le Président et le gouvernement.
Auparavant, une seule journée était réservée, a Moscou, aux
rencontres avec les membres des représentations locales. Ainsi,
faute de temps, il était impossible de se consacrer pleinement au
processus législatif. Nous avons modifié le mécanisme de
collaboration de sorte qu’il soit dorénavant possible de se
focaliser sur les activités législatives a proprement parler.
Nous avons également révisé les modalités de
collaboration entre le Conseil de la Fédération et la Douma. Dans la
situation ou nous sommes a présent, nous n’avons plus obligation de
tout renvoyer devant la Douma. Nous disposons des commissions
spéciales qui examinent les projets de loi parallelement avec la
chambre basse, celle-ci étant habilitée a faire le choix de donner
son aval aux projets des commissions ou, au contraire, de les
ignorer. Cela ne signifie pas cependant qu’a l’issue d’une troisieme
lecture, la loi soit obligatoirement adoptée. En tout état de cause,
la nouvelle collaboration se traduit par le fait qu’a la différence
de la période précédente ou le Conseil de la Fédération rejetait
environ le tiers des lois soumises par la Douma, de pareils cas font
aujourd’hui figure d’exceptions. Il va de soi que la collaboration
de nos commissions avec celles de la chambre basse contribue a une
adoption plus rapide des lois.
Permettez-moi de m’attarder sur un point spécifique
de notre statut. La Constitution attribue aux députés de la Douma et
a chaque membre du Conseil de la Fédération le droit d’initiative
législative, mais le Conseil de la Fédération bénéficie en outre
d’un tel droit en tant qu’institution – a la différence donc de la
chambre basse. Meme si nous n’appliquons ce droit qu’en de rares
occasions, nous en tenons toutefois compte dans certaines
situations. Toutes ces initiatives se doivent d’etre abouties, tant
au niveau de la réflexion qui les a suscitées que du point de vue
juridique.
A présent, le Conseil de la Fédération se penche
sur des considérations stratégiques et en premier lieu sur une
évolution qui lui permette d’assumer la fonction de contrôle
qualitatif des lois fédérales, sur la base de l’expérience acquise
dans la mise en ouvre des lois dans les différents Etats de la
Fédération, et de contribuer a l’amélioration de la législation dans
des spheres importantes. La chambre aura en outre l’obligation
d’élargir considérablement le terrain de son initiative
législative.
L’un des objectifs prioritaires du Conseil de la
Fédération est de mener a bien la coordination de ses activités avec
les organes publics des différents Etats de la Fédération. Nous
avons ainsi institué un Comité de coordination entre le Conseil de
la Fédération et les organes législatifs de différents Etats de la
Fédération de Russie (dit Comité de législateurs ou Conseil
législatif), qui a déja a son compte certains succes. Le Comité se
propose de garantir un espace juridique unique dans le pays et
d’assurer la coordination des activités législatives aux niveaux
fédéral et régional - le Comité se réunit tous les trois mois. Le
Président Poutine a déja assisté a l’une de ses réunions.
Par ailleurs, nous nous efforçons d’assumer
pleinement la fonction constitutionnelle du Conseil de la
Fédération, en tant que chambre des régions investie d’un rôle
fondamental dans la garantie des principes du fédéralisme ancrés
dans la Constitution russe.
Au cours de ses dix ans d’existence, le Conseil de
la Fédération a testé trois procédés différents pour sa composition.
Ils se caractérisaient tous par un trait majeur – le principe de
représentation territoriale.
Entre 1993 et 1995, période définie par la
Constitution de la Fédération russe comme « transitoire », les
membres du Conseil de la Fédération ont été élus pour deux ans selon
le systeme majoritaire et furent appelés députés du Conseil de la
Fédération.
Entre 1995 et 2001, a la tete des organes exécutifs
et législatifs (ou de l’une des deux chambres) des différentes
régions de la Fédération, se trouverent ex officio les
membres du Conseil de la Fédération.
Les membres du Conseil de la Fédération sont
aujourd’hui nommés sur décision des organes exécutifs et législatifs
(représentatifs) des différents Etats de la Fédération pour la durée
de la législature de ces organes. Dans cette situation, le membre du
Conseil de la Fédération ainsi nommé peut etre a tout moment révoqué
en vertu d’une décision analogue.
A mon sens, les modifications de procédure
intervenues en matiere de formation du Conseil de la Fédération ne
sont nullement la conséquence de décisions peu réfléchies. Chacune
de ces modifications est liée a une période déterminée, soit le
résultat de compromis politiques difficiles ayant marqué l’évolution
de la Constitution de la Russie vers un Etat fédéral. Un regard
décalé dans le temps nous permet aujourd’hui de souligner que les
modeles cités plus haut se distinguent par quelques points forts,
ainsi que par de nombreux points faibles. La question d’un modele
optimal du Conseil de la Fédération demeure donc aujourd’hui encore
ouverte. L’élection des membres du Conseil de la Fédération par
l’ensemble de la population de tel ou tel Etat de la Fédération se
présente comme l’une des possibilités de composition de la chambre
haute du Parlement russe. Il ne s’agirait alors en rien de « doubler
» les élections des députés de la Douma, car le but d’un tel scrutin
consisterait a choisir les membres du Conseil de la Fédération parmi
les candidats proposés par les organes législatifs (représentatifs)
et exécutifs des régions. Les membres du Parlement ne représenteront
pas a la chambre haute uniquement leurs électeurs, mais également
les Etats concernés de la Fédération en tant que tels.
L’important est que la composition du Conseil de la
Fédération n’est pas liée aux élections des députés a la Douma. La
rotation des membres du Conseil de la Fédération intervient des
expiration du mandat des organes des pouvoirs publics des Etats
fédérés qui les ont nommés comme leurs représentants.
La liste des pouvoirs constitutionnels et
législatifs exclusifs du Conseil de la Fédération est assez
traditionnelle, au regard des pratiques au niveau international.
Elle implique les questions de la guerre et de la paix, de la
nomination dans les fonctions supremes de la justice et au bureau du
procureur général, du respect des lois en cas d’état d’urgence ou
d’état de siege, de l’adoption des modifications frontalieres entre
les différents Etats de la Fédération.
On peut dresser le constat que ces pouvoirs
constitutionnels sont exercés dans le cadre d’un partenariat
constitutionnel avec le président dans la formulation de la
stratégie de l’Etat. Cela signifie que le Conseil de la Fédération
se joint a la responsabilité du président en ce qui concerne
l’orientation de la politique, y compris dans les domaines les plus
importants comme la garantie de la souveraineté de l’Etat et de
l’intégrité territoriale, de la légitimité constitutionnelle et
générale, de la loi et de l’ordre, de la stabilité fédérale et des
relations entre les différentes ethnies, ainsi que des structures
politiques et territoriales de la Russie.
Face a une si intense intégration dans la vie
publique et politique du pays, le Conseil de la Fédération tire son
potentiel du fait qu’il représente la société civile dans toute sa
complexité. Cette représentativité ne saurait en effet etre assurée
uniquement au travers des partis politiques, comme le propose le
systeme d’élection des députés a la Douma, car les députés défendent
en premier lieu les intérets politiques de leurs circonscriptions
électorales. Les membres du Conseil de la Fédération représentent en
outre les intérets des Etats de l’ensemble de la Fédération.
Je tiens par la meme a souligner que le statut du
Conseil de la Fédération interdit la création de fractions
politiques. Ces différences concernant les statuts des membres du
Parlement, les procédures de composition et les pouvoirs des deux
chambres les conduisent inévitablement a forger leurs positions sur
des argumentations largement différenciées.
L’indissolubilité des chambres hautes par décret du
chef de l’Etat dans la plupart des pays européens émerge comme l’un
des traits distinctifs de ces chambres. A cet égard, le Conseil de
la Fédération ne fait pas figure d’exception. Conformément a la
Constitution, seule la Douma peut etre dissoute. Le droit de
dissolution exercé par le Président de la Russie a du reste été
réduit uniquement aux deux cas suivants: un troisieme refus
consécutif par la Douma des candidats a la fonction de Premier
ministre proposés par le Président ou une deuxieme motion de censure
(en l’espace de trois mois) déposée par la Douma a l’encontre du
gouvernement.
La dissolution de la Douma peut découler d’une
politisation excessive, observable des les élections législatives.
L’organe législatif a décidé de ne pas négliger l’éventualité d’une
politisation exacerbée de la Douma qui risquerait d’ébranler la
stabilité de toute la nation.
Or, l’impossibilité de dissoudre la chambre haute
et la rotation continue des membres du Conseil de la Fédération en
rapport avec les élections dans les différents Etats de la
Fédération garantissent la stabilité et la continuité du Conseil,
qui contribue ainsi a l’efficacité et a un meilleur fonctionnement
des deux chambres.
En septembre, la Russie est entrée dans une période
de campagne électorale couvrant pres de six mois: en décembre 2003
auront lieu les élections des députés a la Douma et, en mars 2004,
celles du président de la Fédération de Russie. Le Conseil a par
ailleurs la compétence de fixer la date des élections
présidentielles. Lors de la prochaine réunion du Conseil de la
Fédération, nous déciderons de la date précise de l’élection du
Président russe. On verra alors une illustration du rôle du Conseil
de la Fédération en tant qu’organe du pouvoir d’Etat en marge des
cycles électoraux et faisant office de point de contact pour le
gouvernement fédéral et les gouvernements régionaux, solidement
ancré dans les différents Etats de la Fédération.
Parvenu au terme de mon intervention, je voudrais
exprimer mon intime conviction que les résultats de nos réflexions
sur des questions complexes et urgentes concernant l’efficacité des
chambres hautes des Parlements sont susceptibles d’avoir un effet
positif sur l’état de la démocratie et l’évolution sociale dans les
différents pays et dans l’ensemble de l’Europe.
Permettez-moi de rappeler, Monsieur le Président,
mes chers collegues, que nous devons nous pencher sur le projet de
Déclaration finale, et qu’il existe par ailleurs déja des
propositions quant au theme de notre sixieme réunion; a cet égard,
je me permettrai de vous soumettre les deux suggestions suivantes.
La premiere se rapporte a la Déclaration finale. Beaucoup
d’interlocuteurs qui ont pris aujourd’hui la parole ont dit une
chose qui est juste et logique, a savoir que les secondes chambres
favorisent un travail et un processus législatif beaucoup plus
efficace, ce qui permet de parvenir a des lois qualitativement
supérieures. Nous estimons donc qu’il y a lieu d’ajouter a la
Déclaration finale un cinquieme paragraphe stipulant que la
structure parlementaire bicamérale permet d’améliorer la qualité des
projets de lois et d’augmenter l’efficacité du processus
législatif.
Je crois que ce sont la des qualités logiques des
chambres parlementaires et qu’a ce titre, il serait nécessaire de
faire figurer ces deux observations.
J’aurai encore quelques mots a propos du futur
débat sur le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne.
En ce qui concerne la Fédération de Russie, je proposerais une autre
formule: « Le rôle des parlements nationaux dans l’intégration
européenne », au lieu de « dans l’Union européenne ». Ce serait plus
acceptable pour nous si nous voulons participer activement aux
débats. Il faut trouver une formulation adéquate. Ainsi, je propose
de dire plutôt « dans le processus d’intégration européenne » que «
dans l’Union européenne », car la premiere variante nous limiterait
au rôle d’observateurs et tendrait a nous marginaliser. La décision
vous appartient mais en tout état de cause, je vous remercie de
votre attention.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Merci, Monsieur le Président du Conseil de la
Fédération. Je pense que votre institution est, parmi toutes les
secondes chambres européennes, celle qui aura connu les plus
importantes évolutions au cours de ces dernieres années. Nous
suivons tres attentivement ces transformations en cherchant a y
receler une certaine logique et vous, Monsieur le Président, vous
nous avez permis de comprendre cette logique, car il y a beaucoup
d’éléments qui vous rapprochent directement ou partiellement du
standard des secondes chambres européennes.
Nous vous remercions, Monsieur le Président
Mironov, de votre regard sur les débats qui se déroulent chez
vous et sur les changements en vue.
Je donne maintenant la parole au Président du
Conseil fédéral de la République fédérale d’Allemagne, Monsieur
Wolfgang Böhmer.
Monsieur Wolfgang Böhmer, Président du Conseil
fédéral de la République fédérale d’Allemagne:
Monsieur le Président du Sénat de la République
tcheque, mes chers collegues, Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi tout d’abord, Monsieur le Président,
de vous remercier tres cordialement pour votre aimable invitation a
Prague et de vous féliciter pour la remarquable organisation de
cette 5e réunion de notre association.
Je me réjouis tout particulierement, juste avant
l’expiration de mon mandat annuel de président du Bundesrat, et
apres notre réunion a Madrid, de pouvoir vous rencontrer une seconde
fois dans ce cercle afin de procéder a un échange de vues.
Au cours de ma présidence, le maintien et
l’élargissement des relations internationales du Bundesrat, de meme
que l’extension de sa prise de responsabilités au niveau européen,
m’ont tout particulierement tenus a cour. Dans ce contexte, j’ai
accordé – et continue d’accorder – une importance particuliere a une
collaboration active au sein de l’Association des Sénats d’Europe.
Ainsi, le Bundesrat se voit offrir la possibilité de promouvoir le
bicamérisme au niveau international et de renforcer tant l’identité
que la conscience européennes. Je recommanderai donc a mon
successeur de continuer, dans cet esprit, a apporter un soutien
énergique aux objectifs et au travail de notre association.
Le theme de la réunion que nous tenons aujourd’hui
a été formulé sous forme de question: « Une composition
différente des chambres dans les parlements bicaméraux
constitue-t-elle une pré-condition de leur efficacité? ». Sur la
base des expériences résultant de l’interaction du Bundestag et du
Bundesrat en Allemagne, et en ma qualité de président du Bundesrat,
je souhaite répondre a cette question par l’affirmative.
Permettez-moi de vous en exposer brievement les
raisons:
Au regard de leur composition et de leur
fonctionnement, le Bundestag et le Bundesrat n’ont a vrai dire que
peu de points communs. Commençons par le Bundestag:
Les membres du Bundestag sont élus au suffrage
direct. Ils sont les représentants du peuple dans son ensemble, ne
sont liés ni par des mandats spécifiques, ni par des instructions et
ne sont soumis qu’a leur conscience. Les membres du Bundestag se
rassemblent en groupes parlementaires correspondant chacun au parti
politique auquel ils sont affiliés. A ce titre, ils jouissent de
certains droits exceptionnels dans le cadre de la procédure
parlementaire. Le Bundestag est élu pour 4 ans. Toutefois, le
président fédéral peut, sur proposition du chancelier fédéral, le
dissoudre avant terme si une motion de confiance proposée par le
chancelier fédéral n’obtient pas l’approbation de la majorité des
membres du Bundestag.
Le Bundesrat, quant a lui, est un organe
représentatif des Länder; il n’est pas élu, mais composé de membres
nommés par les gouvernements des différents Länder. Néanmoins, dans
la mesure ou ils décident de la composition des Landtage (les
assemblées des Länder), les électeurs de chaque Land operent un
choix indirect sur la composition des gouvernements et sur les
personnes qui recevront un siege et une voix au Bundesrat. C’est la,
entre autres, ce qui confere sa légitimité démocratique au
Bundesrat. Il n’y a pas de date d’élections pour le Bundesrat. Le
Bundesrat est un « organe perpétuel », qui se renouvelle
partiellement a chaque élection de Landtag et a l’occasion de la
formation d’un nouveau gouvernement qui s’ensuit. Le rythme de ce
renouvellement partiel n’est soumis a aucune synchronisation entre
les Länder et ne concorde pas avec les élections du Bundestag. Le
Bundesrat ne peut donc pas etre dissous. Dans la mesure ou chaque
Land ne peut y exprimer sa voix que de maniere unifiée, les membres
du Bundesrat – a la différence de ceux du Bundestag – ne disposent
pas d’un « mandat libre ». Au contraire, ils agissent selon une
ligne directrice commune – qu’ils ont établie ensemble au sein de
leur conseil des ministres – et représentent ainsi leur Land. Il
n’existe pas, au Bundesrat, de rassemblement des groupes politiques
en groupes parlementaires, comme au Bundestag. On peut uniquement
parler de solidarités politiques informelles des Länder liées a la
direction politique en place dans chacun d’entre eux.
En m’appuyant sur l’exemple du modele allemand, je
souhaite vous montrer succinctement qu’une différence de structure
de ce type entre les deux chambres ne constitue pas nécessairement
un obstacle mais peut, au contraire, contribuer a l’amélioration de
l’efficacité et de la qualité du travail parlementaire.
Une composition et un fonctionnement différents des
deux chambres permettent en général aux deux représentations
parlementaires d’exercer un contrôle idéal l’une sur l’autre.
Chacune des deux fait en quelque sorte contrepoids a l’autre. Ce
faisant, ces deux institutions sont tenues de faire preuve de
modération, d’esprit de conciliation, de compréhension mutuelle et
de considération réciproque et d’en faire les mots d’ordre de leur
action politique respective.
Il y plusieurs conditions de coopération entre
elles. Si une loi du Bundestag empiete sur les compétences des
Länder, le Bundesrat doit donner son aval. En cas de désaccord de
celui-ci, la loi ne peut pas entrer en vigueur. Le Bundesrat ne peux
émettre qu’un avis sur les lois portant sur les affaires fédérales
et dépassant les compétences des différents Länder. C’est toutefois
le Bundestag qui a le dernier mot. En Allemagne, 60% environ des
lois du Bundestag ont été avalisés pas le Bundestag. Il y a, bien
évidemment, des sujets a controverse et c’est la qu’entre en jeu une
commission mixte censée solutionner, pour le Bundesrat et le
Bundestag, les cas litigieux. En cas de désaccord entre les deux
chambres la loi concernée ne peut entrer en vigueur.
La prise en compte d’une dimension régionale dans
la composition de l’une des chambres du parlement national – a
l’instar du Bundesrat – offre un avantage supplémentaire.
Les Länder et les régions se voient offrir la
possibilité d’exprimer leurs propres intérets et de les inclure dans
les procédures législatives. Si cela n’était pas le cas, elles
seraient obligées de chercher d’autres moyens de faire entendre
leurs requetes. La conséquence en serait un renforcement de la
conscience régionale et l’apparition, au sein du systeme politique,
d’une dimension régionale informelle qui, faute d’etre intégrée a la
procédure législative, pourrait remettre en cause l’acceptation des
décisions prises par le parlement.
En présentant une composition différente, les
chambres sont également l’expression de la diversité sociale. De par
leurs différences, les deux chambres représentent un large éventail
d’intérets qui ne pourrait pas se déployer pleinement au sein de
deux représentations parlementaires similaires ou de structure
analogue. La structure disparate des deux chambres d’un parlement
national peut en outre améliorer la qualité de la législation.
Ainsi, en Allemagne, la compétence administrative des Länder est
indispensable, dans de nombreux cas, au sein du Bundesrat afin
d’éviter des défaillances de la législation.
Les différentes procédures d’élection et de
répartition des sieges dans les deux chambres du parlement offrent
selon moi un avantage supplémentaire. En République fédérale
d’Allemagne, les élections des Landtage, qui engendrent a
intervalles réguliers une redistribution partielle des sieges du
Bundesrat, ne concordent pas avec les élections du Bundestag. Comme
l’ont montré de nombreuses études ces dernieres années, la
simultanéité des élections entraînerait dans la plupart des cas, du
fait du climat politique ambiant, des majorités identiques dans les
deux chambres. L’efficacité du contrôle réciproque exercé par les
deux institutions, de meme que celui exercé sur le gouvernement, ne
seraient alors plus forcément garantis. Dans le passé, le systeme
actuel de l’Allemagne a généralement entraîné – comme c’est
d’ailleurs le cas en ce moment – une répartition différente des
majorités dans les deux chambres.
Dans la mesure ou le Bundesrat détient un droit de
veto absolu sur environ 60 % de la totalité des projets de lois
fédérales, le gouvernement fédéral et le Bundestag ne peuvent plus,
dans une telle situation, imposer leurs projets de façon
unilatérale: ils sont contraints de s’entendre avec la majorité en
place au Bundesrat et de trouver des compromis. Si cette procédure
complique souvent le travail des deux chambres, elle permet
toutefois d’atteindre des résultats reflétant un large consensus
social. Et j’estime qu’il s’agit, sur le plan diplomatique, d’une
grande valeur. Enfin, lorsqu’une chambre, a l’instar du Bundesrat
allemand, revet la forme d’un « organe perpétuel », qui ne se
renouvelle que partiellement et a intervalles réguliers a chaque
fois qu’un nouveau Landtag est élu, elle se fait le garant d’une
certaine continuité au niveau de la pratique parlementaire. Cela
vaut particulierement pour les périodes pendant lesquelles l’autre
chambre parlementaire se reconstitue, apres une dissolution ou des
élections: l’expérience montre qu’il faut alors un certain temps
avant que l’activité législative ne retrouve un certain rythme de
croisiere.
Pour clore mon exposé, j’oserai, si vous le
permettez, porter un bref regard sur l’avenir: en République
fédérale d’Allemagne, nous sommes actuellement en plein débat sur
l’avenir et la réforme du fédéralisme. Dans ce contexte, les tâches
et la structure du Bundesrat font l’objet d’un examen critique. Les
discussions portent en particulier sur une séparation des tâches de
la Fédération et des Länder; il est question de rétrocéder un
certain nombre de compétences de la Fédération aux Länder tout en
réduisant sensiblement, dans un meme temps, le nombre de lois
soumises a l’approbation du Bundesrat. J’estime qu’un débat
similaire a lieu en Autriche. La composition différente du Bundestag
et du Bundes-rat n’est actuellement pas remise en cause en
Allemagne. Tous sont d’accord pour constater qu’il s’agit la d’un
grand avantage.
Toutefois, les résultats de la réforme du
fédéralisme, et plus particulierement le renforcement des
compétences législatives des Länder, d’une part, et la restriction
des compétences d’approbation du Bundesrat, d’autre part, vont
redéfinir le rôle de ce meme Bundesrat.
Pour résumer, j’aimerais que vous reteniez ceci:
les expériences de la République fédérale d’Allemagne permettent, a
mon avis, de conclure qu’une composition différente des chambres
dans les parlements bicaméraux peut tout a fait renforcer
l’efficacité de chacune de ces deux représentations et améliorer
sensiblement la qualité du travail qu’on y effectue. En avançant ces
propos, je ne cherche néanmoins pas a ébaucher un modele
universellement valable pour l’organisation des parlements d’autres
Etats. Il ne m’appartient pas de le faire. Les discussions au sein
de notre association ne cessent de montrer que les parlements
nationaux se constituent selon des modeles extremement variés qui
tiennent compte des particularités nationales et ont fait leurs
preuves sur de longues périodes. Les comparaisons réciproques que
nous effectuons devraient toutefois inciter chacun d’entre nous a
réfléchir sur son propre systeme parlementaire et, le cas échéant, a
élaborer des propositions d’amélioration, ce qui est tres utile pour
l’intégration de nos Etats au sein de la grande famille
européenne.
Permettez-moi d’ajouter quelques mots au propos de
mon collegue de la Fédération de Russie. Compte tenu des fonctions
différentes de nos chambres, il est, certes, particulierement
important que toute déclaration ou résolution soit peaufinée et
rédigée, si possible, d’un commun accord et apres consultation de
ceux que nous représentons. Car nous ne sommes que des représentants
de nos chambres respectives. Une fois le texte adoptée, il faut
qu’il soit convenu et harmonisé en sorte qu’il soit présentable et
viable dans nos pays respectifs. Un projet adopté a la va vite
risque de rendre notre travail difficile.
Pour terminer, j’aimerais, mes chers collegues,
vous rappeler l’invitation que j’ai lancée a Madrid pour une 7e
réunion de l’Association des Sénats d’Europe a Berlin en l’an 2005,
puisque la 6e réunion, elle, a déja trouvé son pays hôte. La
conférence devrait se dérouler du 8 au 10 septembre. Le Bundesrat
sera tres honoré, mes chers collegues, de pouvoir vous accueillir a
Berlin. Je vous remercie pour votre attention.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Je vous remercie, Monsieur le Président. Nous
programmons d’emblée de nous retrouver au mois de septembre 2005, ce
qui confirme de façon éloquente que nous sommes tous convaincus de
notre avenir européen. Votre exposé a été particulierement concis,
logique et vous nous avez présenté un certain modele; selon vos
propres mots – le modele de la République fédérale d’Allemagne qui
correspond a une différenciation profonde des deux chambres. Ceci
dit, vous avez réussi a justifier pour quelle raison il s’agit d’un
modele qui convient a votre pays sans prétendre que ce modele revete
une validité générale. Cette approche est digne de respect et je
pense que ce fut la une belle contribution a notre débat.
Je prie maintenant le Président du Sénat de
l’Espagne, Monsieur Juan José Lucas Gimenéz, de prendre la
parole.
Monsieur Juan José Lucas Gimenéz, Président du
Sénat de l’Espagne:
Monsieur le Président, le poete Rainer Maria
Rilke aimait a dire que la littérature ou les Belles Lettres, de
meme que la poésie, s’articulaient toujours autour de perceptions,
d’émotions, d’expériences vécues. Or, ce sont mes expériences
personnelles que je voudrais vous faire partager.
Je suis heureux d’avoir l’occasion de remercier
Monsieur le Président Pithart de l’attention qui nous a été
réservée, de l’hospitalité et de l’organisation de cette réunion qui
constitue un grand événement. Celle-ci aura enrichi mes expériences
juridiques et politiques car les perceptions personnelles
représentent d’ordinaire une part importante de ces réunions. C’est
d’ailleurs la un de leurs atouts. Nous y trouvons de plus l’occasion
de faire connaissance personnellement, ce qui conduit par la suite a
une connaissance réciproque de nos sénats, de nos institutions.
Il y a quelques mois, nous nous sommes rencontrés a
Madrid. J’ai eu alors la possibilité d’approfondir ma connaissance
de la République fédérale d’Allemagne grâce a l’intervention du
précédent orateur, Monsieur Böhmer. Je voudrais dire que nous
ne faisons pas ici nos adieux, mais qu’il ne s’agit que d’un au
revoir, pour ce qui concerne la majeure partie d’entre vous. Le
Président du Sénat français Poncelet nous a enrichi en
donnant une impulsion a la création de cette association. Espérons
que nous aurons bientôt l’opportunité de nous rencontrer en d’autres
occasions.
Prague est une capitale magnifique, dont la
touchante beauté me rappelle les lectures de mes jeunes années.
Prague constitue une synthese du pluralisme naturel de la culture et
de l’identité européenne. Je suis chargé de vous présenter quelques
données de base sur le fonctionnement du Sénat d’Espagne. J’aimerais
donc partager avec vous certaines expériences et esquisser
brievement les perspectives de cette institution centenaire que j’ai
l’honneur de présider.
Historiquement parlant, l’Espagne était encline au
bicamérisme. Ceci est d’ailleurs ancré dans la Constitution de 1978
qui attribue le pouvoir législatif au Parlement – au Congres et au
Sénat. Le Congres comporte 350 représentants élus selon le nombre
d’habitants des circonscriptions électorales dans les provinces,
soit deux députés au minimum pour chaque province.
En revanche, le Sénat a un nombre de membres fixe,
soit toujours quatre sénateurs pour chaque province, deux pour les
villes autonomes de Ceuta et Melilla et le meme nombre, du un a
trois, pour les autres territoires. Nous sommes donc au total 208
sénateurs a etre élus au suffrage universel. Notre Sénat est une
chambre de représentation territoriale. C’est pourquoi pres d’un
cinquieme des membres, soit 51, sont élus par les organes
parlementaires des autonomies, dont toujours au moins un sénateur,
plus un autre par million d’habitants. Ainsi on arrive au nombre
total de 259 sénateurs.
Le Congres et le Sénat forment ensemble une entité
habilitée a se prononcer sur une dissolution.
Le modele parlementaire espagnol – je vais parler
ici en premier lieu du Sénat – est soumis a des criteres tres
spécifiques. C’est un systeme mixte, dont dispose a ma connaissance
la Belgique, a ceci pres que chez nous il n’y a pas de sénateur
coopté.
Une évidence s’impose: nous constituons une sorte
d’institution de deuxieme lecture des projets de lois. C’est a cela
en effet que nous nous consacrons en premier lieu, ce qu’illustre le
fait que pres de 90% des lois adoptées par le Parlement l’ont été
apres que nous les ayons amendées. Cette fonction insuffle un
surcroît de légitimité démocratique dans la mission législative car
nous sommes élus, a l’instar des sénateurs dans d’autres pays – au
scrutin secret, direct, général et libre. Nous ne constituons
néanmoins qu’une simple institution de deuxieme lecture des
lois.
Le fait qu’au travers de nos activités, nous
représentions les différentes nationalités et régions est une
condition de base de la stabilité démocratique. Autrement dit,
l’Espagne est un pays a la fois unifié et pluraliste, ou se melent
différentes nations, cultures et langues. Ce partage est a la base
d’un systeme politique réfléchi jouissant d’une tradition
centenaire, un systeme ouvert, dynamique, propice a la discussion et
qui s’efforce en toutes circonstances d’approcher la vérité.
Je pense que le Sénat aspire meme a l’avenir a etre
un lieu de rencontre pour les différents statuts d’autonomies, qui
s’engagent de plus en plus amplement dans les affaires d’ordre
général de toute l’Espagne et dans le processus de prises de
décisions. L’Espagne fait un bon choix en optant pour un Etat
profondément décentralisé, le gouvernement s’appuyant sur les
politiques locales dans les différentes autonomies. Une manifeste
unité a permis les changements intervenus dans le sens de la paix,
de la liberté et de la prospérité, au cours de la période
d’existence de ce systeme.
Le caractere du Sénat est irréversible. Il s’appuie
en particulier sur le dialogue et le rapprochement des positions
politiques entre les différents territoires. C’est une philosophie
relevant d’un mandat concret, confirmant la solidarité entre les
différentes nationalités et régions d’Espagne, au terme de l’article
II de la Constitution.
Le Sénat espagnol s’est vu affecter une série de
missions. Il dispose d’un pouvoir législatif qu’il exerce de façon
tres dynamique et responsable. Il émane également d’une
compréhension au sens large de la fonction qui lui a été confiée par
les citoyens, par les habitants. Il se propose d’etre un lieu qui
réponde aux légitimes aspirations de ces derniers d’une solution
politique inédite. Meme si la Constitution ne l’indique pas
explicitement, il s’agit d’une solution démocratique que nous
pourrions qualifier de « bicamérisme asymétrique », car marquée par
des attributs convergents, d’une part et des attributs différents,
d’autre part.
C’est une solution d’autant plus remarquable, que
la réalité n’est pas statique, mais dynamique. C’est aussi une
solution tres efficace. Cela dit, il existe encore des réserves a
l’expression de cette efficience. Le Sénat contribue avec
pondération et mesure a la vie politique et aux activités
législatives en Espagne.
Je pense que pour évaluer la contribution du Sénat
a la vie parlementaire et a la vie de tout mon pays, les termes de
modération, équilibre, intégration sont les plus pertinents. Autant
de termes qui sont propres au postulat de base de l’Espagne
démocratique: le consensus, et c’est vers celui-ci que nous devons
tendre.
Monsieur le Président, Aristote affirmait
déja dans sa « Politique » qu’une entité politique devait etre
composée d’éléments hétérogenes. Ce mélange d’oppositions doit
présenter cependant un équilibre, et non une harmonie de façade; cet
équilibre doit etre authentique. La démocratie ne constitue pas un
systeme dans lequel les etres humains et, concretement, les
représentants de l’Etat, cachent, dissimulent leurs convictions,
mais bien un systeme ouvert qui s’engage au profit de la liberté, de
la réalisation ou de l’accomplissement des aspirations humaines en
Espagne. La Constitution a été rédigée apres quarante ans de régime
totalitaire. Le consensus auquel on est parvenu est ouvert, découle
de la responsabilité manifestée au niveau institutionnel et de
l’identification aux valeurs démocratiques. J’estime que la vie
parlementaire en Espagne et singulierement au Sénat, met
efficacement en valeur tout ce qui releve de la Constitution.
Pour terminer, permettez-moi, Monsieur le
Président, de faire une observation, a savoir que le dialogue et
l’équilibre constituent les principaux objectifs du fonctionnement
du Sénat espagnol et ses postulats de base. Ils sont nécessaires
pour que nous soyons a meme de renforcer constamment notre
organisation constitutionnelle, car les compromis politiques sont le
prix a payer pour les libertés. Le consensus doit toujours etre lié
a l’aspiration a la liberté. C’est la raison pour laquelle les
sénateurs sont tenus de ne jamais oublier l’accord politique de
1978. Cet accord répondait a l’aspiration a la paix, et au souhait
que tous les citoyens espagnols puissent bénéficier du bien-etre
social.
Nous sommes censés perfectionner encore davantage
nos institutions. Ce qui pousse les gens en avant, comme l’affirmait
Aristote, c’est l’espoir fondé sur une vie meilleure et sur
le Bien.
Je tiens a vous exprimer encore une fois ma
profonde reconnaissance, Monsieur le Président, d’avoir pu présenter
ici une analyse de la position de la seconde chambre. Celle-ci
possede donc une organisation juridique, une composition et des
responsabilités différentes, est dissoluble et est constituée et
susceptible de voir mis un terme a ses activités selon des modalités
différentes. Nous nous engageons tous en faveur de la réalisation de
son objectif dans l’esprit de la liberté. Je ne veux pas parler de
l’avenir de l’Union européenne mais de l’Europe comme telle, pour y
intégrer, aussi, nos amis de Russie. Je vous remercie de votre
attention.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Monsieur le Président, je vous remercie de votre
allocution engagée et philosophique concernant le Sénat, avec pour
toile de fond l’expérience espagnole de la transition d’un régime
autoritaire a une société démocratique.
Nous sommes souvent préoccupés par l’image
médiatique de nos chambres, par la maniere dont le Sénat est perçu
sachant qu’il ne représente pas une institution tres populaire. Vous
avez expliqué par différents aspects pourquoi il en est ainsi. Vous
avez parlé du calme et de la discrétion qui démarquent les débats au
Sénat. Vous avez dit que la modération, l’équilibre, l’intégrité
constituaient les principaux objectifs du Sénat espagnol. Les
médias, eux, ont tendance a privilégier le radicalisme, le bruit et
le conflit.
Je ne veux pas dire par la que nous devrions nous
accommoder une fois pour toutes de notre image mais je me rends
pleinement compte de ce que certaines des qualités propres du Sénat
nous défavorisent aux yeux des médias qui aiment le scandale. Je me
réjouis d’avoir bientôt un moment de libre pour lire tranquillement
votre contribution. Je vous en remercie.
Je donne a présent la parole au Vice-président du
Conseil des Etats de l’Assemblée fédérale de la Confédération
helvétique, Monsieur Fritz Schiesser.
Monsieur Fritz Schiesser, Vice-président du
Conseil des Etats de l’Assemblée fédérale de la Confédération
helvétique:
Cher Monsieur le Président, chers collegues,
Mesdames et Messieurs. Permettez-moi de vous remercier, Monsieur le
Président, pour nous avoir conviés a la 5eme réunion de
l’Association des Sénats d’Europe et pour votre chaleureuse
hospitalité. Je suis tenté de dire que c’est toujours un plaisir de
venir a Prague, surtout si ce voyage a pour objet une si noble
réunion.
C’est aujourd’hui la seconde fois que j’ai
l’honneur de représenter le Conseil suisse des Etats a cette réunion
et de vous présenter quelques réflexions sur le bicamérisme. Je me
pencherai en particulier sur la premiere question qui nous a été
posée et, par un exemple concret, j’essaierai de montrer comment
l’hypothese formulée sur l’efficacité du systeme se met en valeur
dans la pratique.
Nous avons déja pu nous familiariser avec des
systemes différents; aussi ne puis-je faire autrement que d’y
ajouter encore un autre élément, l’élément suisse. Point n’est
besoin de cacher que, ces derniers temps, la discussion en Suisse
porte en premier lieu sur les modalités de composition de la seconde
chambre car au niveau des gouvernements cantonaux – qui présentent
une certaine analogie avec les gouvernements des Länder en Allemagne
– s’impose l’exigence d’un passage du systeme américain au systeme
allemand. La Suisse se trouverait ainsi contrainte d’abandonner son
systeme initial, qui est un systeme américain, pour adopter le
systeme allemand du Bundesrat. Je pense toutefois que beaucoup d’eau
aura coulé sous les ponts avant que l’on n’y arrive.
La composition différente des deux chambres
représente selon le professeur de droit constitutionnel
Jean-François Aubert, qui fut membre du Conseil national et
du Conseil des Etats, l’une des trois conditions de base du systeme
bicaméral (les autres criteres résidant en des pouvoirs identiques
et l’obligation pour les deux chambres de tenir des sessions
séparées).
Permettez-moi de porter un bref regard en arriere
sur les 155 années d’existence du Conseil des Etats suisse, sur son
histoire et sa position. Suivront des réponses a d’autres questions
posées (la durée du mandat, etc.).
Le systeme bicaméral, qui comprend en l’espece une
Chambre populaire – le Conseil national représente le peuple suisse
selon le principe de la proportionnalité – et une Chambre des Etats
membres - le Conseil des Etats représentant « le peuple cantonal »
(Huber), fut adopté, comme on le sait, en 1848, puisant son
inspiration dans le modele des Etats-Unis. Cette idée se vit
réserver d’abord un accueil réticent, car elle venait de «
l’étranger », les politiciens de notre pays n’ayant jamais eu – on
le sait bien - trop d’estime pour des solutions importées
(Aubert). L’option pour le systeme bicaméral dans lequel, a
la différence des Etats-Unis, les deux chambres existent sur un pied
d’égalité, ont les memes pouvoirs, débattent et prennent des
décisions séparément et dont les représentants votent sans avoir a
tenir compte des instructions des cantons, se présente en fin de
compte comme un compromis historique qui ne suscita point
d’enthousiasme et qui provoqua en définitive une situation assez
chaotique.
A présent, l’égalité en droits des deux chambres ne
se discute plus. Meme si, depuis 1848, l’Assemblée fédérale ne peut
prendre une décision qu’en vertu de résolutions identiques des deux
chambres, le Conseil des Etats a du traverser, depuis sa fondation
au début du XXeme siecle, de grandes transformations pour que sa
raison d’etre soit confirmée et pour que l’égalité des deux chambres
se traduise dans les faits. Au début, le Conseil des Etats s’imposa
comme une assemblée de représentants de la vieille confédération,
tandis que le Conseil national - une chambre « moderne » et
progressiste - aspira a une position politique privilégiée sur
toutes les questions de grande importance. Dans l’existence quelque
peu fantomatique du Conseil des Etats se répercuta en outre le fait
que les mandats déterminés par les cantons ne couvraient qu’une
courte législature – une année en moyenne – et que les cantons
prévoyaient la possibilité de révoquer leurs représentants. Dans
cette perspective, « les hommes ambitieux et actifs »
préféraient »avoir un fauteuil au Conseil national »; le roi
des chemins de fer Albert Escher ne voulut pas « dépenser
meme un franc au combat électoral pour sa viagere » (c’est ainsi
en effet que l’on aura appelé en Suisse la seconde chambre »). «
Le Conseil des Etats avait le rôle d’anti-chambre dans la carriere
de jeunes hommes ambitieux. » (Aubert).
Des a présent, les positions des deux chambres ont
évolué: force est de constater que des le début du XXeme siecle, la
seconde chambre n’a eu de cesse de s’affirmer au niveau
politique.
Ou cette évolution trouve-t-elle son origine? Le
pas décisif sur la voie conduisant vers une position égalitaire des
deux chambres fut que les cantons opterent largement en faveur d’une
élection au scrutin populaire au Conseil des Etats – avec un mandat
fixe de quatre ans sans possibilité de révocation -, tandis qu’au
XIXeme siecle, la nomination des représentants au Conseil des Etats
relevait essentiellement des gouvernements et parlements cantonaux.
Aujourd’hui, les membres du Conseil des Etats se voient élire – a
l’exception d’un seul canton (le canton du Jura, le plus récent) –
au scrutin majoritaire, un mode leur attribuant une plus grande
légitimité qu’aux membres du Conseil national, élus au scrutin
proportionnel. Cette légitimité démocratique veut que la cote du
mandat au Conseil des Etats soit dorénavant plus grande que celle au
Conseil national. Le dernier départ en date d’un membre du Conseil
des Etats pour le Conseil national a eu lieu en 1951, soit il y a
plus d’un demi-siecle.
A l’heure actuelle, on trouve en revanche pas moins
de dix des 46 membres du Conseil des Etats qui ont été précédemment
membres du Conseil national.
Une composition distincte est-elle une condition
préalable pour l’efficience du systeme bicaméral ? Le professeur de
droit de Zurich, Johann Caspar Bluntschli écrit dans sa «
Doctrine sur l’Etat moderne », de 1875: « Il s’avere
clairement que quatre yeux sont dotés d’un regard meilleur et plus
large que deux yeux, surtout lorsqu’ils observent l’objet concerné
d’angles différents. Une évaluation et un examen répétés de projets
de lois par des chambres a base distincte ne peut donc etre autre
que bénéfique ». Les procédures de vote et les compositions
différentes des deux chambres permettent au Parlement d’exprimer et
d’équilibrer la grande diversité de notre petit Etat multilingue.
Cette fonction de « représentation territoriale au sein du
Parlement national » finit par prévaloir au Conseil des Etats
sur sa fonction prévue a l’origine, consistant a représenter la
souveraineté des cantons.
Il s’avere d’une importance capitale pour la Suisse
que la composition distincte des deux chambres permette d’équilibrer
et de concilier les tres concretes contradictions – par exemple
entre la ville et la campagne, entre l’allemand et le français,
entre les régions montagnardes et industrielles. L’égalité
fédérative des cantons représentés au Conseil des Etats offre la
possibilité d’y former une majorité a meme d’affronter de façon
égalitaire la majorité du peuple représentée au Conseil national, ce
qui est d’ailleurs un theme d’actualité, également du point de vue
de la protection des minorités.
La composition distincte des deux conseils permet
qu’une question soit examinée et étudiée en détail par les deux
commissions avec des points de vues différents. Ceci se traduit par
une large gamme d’argumentations; les débats au sein des commissions
et lors des sessions plénieres s’enrichissent mutuellement.
Le Conseil national et le Conseil des Etats
corrigent mutuellement leurs résolutions afin de créer un équilibre
traduit par un accord. L’existence de ce rôle correctif permet aux
deux chambres de recourir a certaines initiatives audacieuses. Une
chambre tient compte de ce que si elle avance trop loin, l’autre
chambre aura l’autorité de la rectifier.
La position des membres du Conseil des Etats,
indépendante de la discipline de partis politiques, apporte des
points de vue différents, en partie individuels. L’optique
différente se voit alimenter par le fait que les membres du Conseil
national ont tendance a fractionner les themes de leurs débats, tant
en sessions plénieres qu’en commissions, qu’ils traitent les
questions selon leur importance dans différentes catégories, que la
durée de leurs allocutions se voit limiter, tandis que les membres
du Conseil des Etats peuvent s’exprimer sur tout point des débats –
de façon répétitive meme -, la durée de leurs allocutions n’étant
pas limitée, ce qui leur permet d’argumenter et d’agir de maniere
plus individuelle. Le style des débats ainsi imposé aura valu au
Conseil des Etats la dénomination de « chambre de réflexions ». Cela
rejoint ce qu’ont déja dit aujourd’hui d’autres intervenants.
Des réflexions différentes sur telle ou telle
question et la corrélation enrichissante et équilibrante des deux
chambres se manifestent clairement dans la maniere dont fut traité
un theme brulant et politiquement épineux, a savoir la
réglementation législative des technologies géniques dans le
domaine non humain.
A l’automne 1993, fut présentée une initiative
populaire en faveur de la protection génique, soit de la protection
de la vie et de l’environnement contre la manipulation génétique,
initiative qui bouleversa les milieux politiques. Comme le veut la
tradition, l’initiative fut soumise d’abord au Conseil national, qui
recommanda de la rejeter, tout en donnant une impulsion au
gouvernement pour combler les lacunes dans la législation relative
aux technologies géniques non humaines.
Le Conseil des Etats en tant que second conseil
s’est joint a cette procédure certifiant ainsi les obligations du
gouvernement. L’initiative populaire fut rejetée par votation en
1998, par 66,7% des voix contre 33,3%.
Au printemps 2000, le gouvernement soumit le projet
de loi en vue de compléter les dispositions relatives a la
protection de l’environnement et d’adapter toute une série d’autres
lois des Etats. Le texte de la loi fut débattu d’abord au Conseil
des Etats – l’égalité en matiere de priorités étant strictement
respectée. En vertu d’une étude approfondie, la commission décida
d’abandonner le concept gouvernemental et d’élaborer sa propre loi
portant sur les technologies géniques, proposant que le droit
relatif aux technologies géniques dans les domaines non humains soit
plus transparent, plus concentré et plus compréhensible. La
commission soumit a la session pléniere (au terme de 18 journées
d’assises) un projet pertinent.
La tendance au sein du Conseil des Etats (le
premier conseil par ordre) fut évidente: les technologies géniques
constituent une chance qu’il faut mettre raisonnablement a profit.
Les propositions de la commission furent imposées par une majorité
confortable. Le projet de loi fut finalement adopté a
l’unanimité.
Ce fut par la suite au tour de la commission du
Conseil national. Celui-ci favorisa d’abord le retour au concept
gouvernemental pour pencher, en fin de compte, du côté du Conseil
des Etats, tant en ce qui concerne la commission que la session
pléniere. A la différence du Conseil des Etats, le Conseil national
vit la formation d’un front opposant deux camps bien délimités,
d’importances presque identiques, composés des partisans et
adversaires des technologies géniques, opposant prudents et
audacieux, ceux qui privilégient en premier lieu le caractere
protecteur de la loi et ceux qui sont préoccupés par l’effet des
technologies géniques pour la Suisse, un pays s’illustrant dans les
domaines de la recherche et de l’économie. Le Conseil des Etats fut
exposé a la critique pour avoir créé par sa décision et son propre
paquet législatif relatif aux technologies géniques un potentiel de
risques. « Plus d’éléments le paquet comporte, plus grand est le
risque de réactions négatives aux différents détails. »
« Un conflit de fois paralyse la commission
économique », titre un grand quotidien. Voici une citation du
président de la commission parlementaire concernée : « La
commission est un reflet de ce qui se passe au sein de la société.
Les fronts ne sauraient etre pourtant rompus qu’entre le Conseil
national et le Conseil des Etats ». Le Conseil des Etats imposa
clairement l’adoption de la loi, tandis que le Conseil national vit
un tiers de ses membres voter contre. Tout un éventail de projets
furent présentés lors d’un débat approfondi et au vote final; la loi
fut adoptée de justesse, par 67 voix contre 48, 48 membres s’étant
abstenus. Voila un résultat qui differe clairement du résultat
univoque obtenu au Conseil des Etats.
Les tons différents marquant les débats dans les
deux conseils et l’élimination des différences témoignent de la
signification différente attribuée a ce theme par l’une et l’autre
chambre et de leur rapprochement. Je vais tenter d’esquisser en bref
ce processus sur l’exemple d’un article.
Le Conseil des Etats a attribué aux organisations
écologistes suisses d’ampleur nationale le droit de porter plainte
contre l’octroi d’autorisations de commercialisation de produits
génétiquement modifiés. La commission économique du Conseil national
a demandé l’extension de ce droit aux consommateurs et aux
organisations agricoles. Cette version a été adoptée dans un premier
temps par la session pléniere, mais elle a ensuite été rejetée apres
que quelqu’un du plénum ait proposé de retirer ce droit du projet.
Ainsi l’article fut retiré de la loi et le droit de porter plainte
se vit rejeter dans son entier.
Le Conseil des Etats a cependant insisté sur sa
premiere décision suite a quoi l’article fut réinséré dans la loi.
Le Conseil national se joignit avec 92 contre 77 voix - un résultat
étroit – a la décision du Conseil des Etats concernant le droit de
porter plainte, limité cependant aux organisations écologistes.
Ces exemples illustrent clairement que le procédé
d’élimination des différences dans le systeme bicaméral favorise la
voie des compromis et permet au travers de la seconde chambre de
renverser les décisions politiquement controversées (le droit de
plainte pour les syndicats!).
Monsieur le Président, permettez-moi de vous
remercier encore une fois pour nous avoir conviés ici et pour avoir
organisé cette réunion et permettez-moi de rappeler ce que le
président du Conseil des Etats Gian-Reto Pattner avait déja lancé a
Madrid, a savoir mon invitation pour que l’une des prochaines
réunions ait lieu en Suisse. Mesdames, Messieurs, permettez-moi de
vous souhaiter cordialement la bienvenue chez nous, en
Suisse.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
L’allocution de Monsieur le Vice-président du
Conseil des Etats Schiesser met un point final a celles des
chefs de délégations, et les conclue de maniere on ne peut plus
pertinente. Il nous a présenté un autre modele de chambres
foncierement différentes confirmant l’hypothese de départ que
j’avais émise ce matin et selon laquelle les secondes chambres sont
a meme de répercuter la diversité de l’expérience politique
européenne ainsi que celle des pays d’Europe. L’exemple que vous
avez présenté, Monsieur le Vice-président, fut éloquent et
instructif. Je vous en remercie.
J’ouvre a présent la discussion. Je propose que
nous nous exprimions sur le projet de déclaration finale que j’ai
devant moi. Je rappellerai que nous ne sommes point obligés d’en
adopter une meme si, a ce jour, nous y sommes toujours parvenus. Les
résultats des débats des précédentes réunions et les questionnaires
remplis nous ont servi de point de départ pour l’élaboration du
texte que nous nous permettons de vous présenter, lequel – nous
l’espérons – n’est ni creux, ni trop catégorique. Il dresse un
constat plus qu’une évaluation.
Deux observations ont été formulées a l’adresse de
ce projet. La premiere, de la part de Monsieur le Président
Mironov, nous invite a ajouter un autre point, tandis que la
deuxieme, de Monsieur le Président Böhmer, met en cause notre
aptitude a formuler et a compléter quoi que ce soit.
J’estime d’ores et déja que si nous n’arrivons pas
a un projet sans procédure de vote, nous terminerons sans
déclaration finale, car je pense que nous ne sommes suffisamment
équipés, ni préparés au vote.
Demeure également la question de l’annexe a la
déclaration finale. Vous l’avez également devant vous. Sur ce point,
il n’y a pas de litige, je me permets cependant de rappeler trois
changements dans la composition de l’Association. La Chambre des
Nations de l’Assemblée parlementaire de la Bosnie-Herzégovine et le
Conseil de la Fédération de l’Assemblée fédérale de la Fédération de
Russie seront dorénavant ses membres, tandis que la seconde chambre
croate, qui n’existe plus, n’y figurera plus a l’avenir. Je suppose
qu’il y a consensus sur ce point.
J’ouvre donc la discussion qui peut tourner, mais
pas nécessairement, autour de la déclaration finale. Qui demande la
parole en premier ?
Monsieur Lamberto Dini, Vice-président du Sénat
de la République italienne:
Monsieur le Président, j’estime qu’il serait
souhaitable, si possible, de convenir d’un texte de déclaration au
terme de nos débats d’aujourd’hui et aussi sur la base de nos
précédentes réunions. Par ailleurs, j’aimerais dire combien
j’apprécie les efforts que nous avons sous nos yeux sous leur forme
matérialisée. Or, certes, il y a un projet, mais en ma qualité de
représentant du parlement italien je ne saurais y souscrire car il
ne présente pas de maniere satisfaisante tous les modeles qui
existent dans nos pays respectifs dans le cadre d’un systeme
parlementaire bicaméral. J’estime que la déclaration finale devrait
refléter de maniere plus complexe ces différents modeles. Par
exemple l’Italie dispose d’un systeme de parlement bicaméral qui
n’est pas représenté ici. SI vous m’autorisez a le faire,
j’indiquerais les modifications que j’aimerais apporter au projet
mais je ne sais pas si je dois le faire des maintenant. Si tel est
votre souhait, je crois que nous devrions tenir compte des éléments
suivants.
La structure parlementaire bicamérale permet non
seulement le point un, mais tous les quatre. A mes yeux, la
troisieme ligne devrait se présenter ainsi : « constatent que
l’existence du bicamérisme dans un Parlement, bien qu’avec des
modeles différents…permet une différenciation.. et constitue une
condition préalable a une représentation plus légitime et plus
complete… ».
Le deuxieme point devrait passer en premier car
avant de parler de compétences, de compositions etc. il serait bon
de faire figurer dans le premier point le fait que le bicamérisme
« permet une représentation plus variée, plus légitime de divers
intérets sociaux, ethniques… ». Le deuxieme point ferait ainsi
office de premier point.
Le troisieme point pourrait rester inchangé, mais
j’ai en revanche un probleme avec le quatrieme point qui dit: «
fonctions législatives et de contrôle par le Parlement, dont les
deux chambres peuvent mieux travailler sur la base de la division du
travail.. ». C’est la certainement l’opinion d’une série de
personnes mais pas obligatoirement celle de tout le monde. Avec
votre permission, je formulerais cette partie ainsi: « permet un
meilleur exercice des fonctions législatives et de contrôle
classiques par le Parlement, dont les deux chambres peuvent mieux
travailler, qu’elles aient les memes compétences et fonctions
législatives ou qu’elles cooperent sur la base d’une division du
travail en accord avec le systeme constitutionnel dans le cadre
duquel elles fonctionnent ».
Je crois qu’on devrait y ajouter une autre phrase
car nombre d’entre nous pensent que la différenciation de la
composition et des fonctions serait également souhaitable dans un
but d’efficacité. Il m’est d’autant plus aisé de soutenir une telle
formulation qu’elle reflete réellement notre situation en Italie.
Elle n’est pas entierement satisfaisante, certes, mais notre systeme
progresse vraisemblablement vers une des compositions et des
fonctions différenciées. Nombre d’entre nous estiment que celle-ci
est souhaitable dans un but d’efficacité. Si les amendements que je
présente sont adoptés, je serai en mesure de souscrire au texte
ainsi modifié.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Vous venez de confirmer vos galons de politicien
européen chevronné, car vos amendements ne démolissent pas,
dirais-je, le texte soumis, nous saurons les garder en tete et,
j’espere, les mettre rapidement sur papier.
Vous avez raison, ils couvrent la discussion
d’aujourd’hui dans toute son ampleur. En vous écoutant ce matin, je
me suis dit que les Italiens allaient avoir des réserves vis-a-vis
de la déclaration finale. Je ne me suis pas trompé. S’il n’y a pas
trop d’amendements de ce genre, je crois que nous pourrions admettre
ces modifications.
Qui d’autre souhaite intervenir? Je prie ceux qui
soutiennent la proposition de M. Lamberto Dini de bien
vouloir se manifester. Le fait que personne ne leve la main signifie
également que vous etes d’accord.
Il y a aussi la proposition de M. le Président
Mironov. A la lumiere de la discussion que nous venons
d’ouvrir, quelle est votre position a l’égard de votre amendement ?
Etes-vous d’accord avec M. Dini ? Oui.
Pendant la pause, nous essaierons de rédiger la
version définitive du texte, mais il y a Monsieur le Président
Poncelet qui demande la parole.
Monsieur Christian Poncelet, Président du Sénat
de la République française:
Pour ce qui est de l’échange entre le premier et le
deuxieme point, je n’y vois pas d’inconvénient, mais je vous suggere
qu’on complete le quatrieme point par « permet un meilleur
exercice… ». Cet amendement pourrait couvrir tous les
changements éventuels de fonctionnement de nos institutions.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Je vous remercie, Monsieur le Président. Ce qu’a
proposé Monsieur le Président Mironov est maintenant exprimé
explicitement. Nous sommes prets a préparer cet amendement, nous n’y
voyons aucun probleme.
Il y a deux possibilités: soit nous préparons le
texte afin de vous l’envoyer pour accord ou désaccord, soit, si vous
nous jugez capable de le faire au cours de la journée d’aujourd’hui,
nous essaierons de vous présenter le texte complet apres la
pause.
La deuxieme alternative? Oui, je vois que vous
opinez du chef. Ce sont des amendements qu’il nous sera aisé de
formuler.
Quant aux adjonctions a la déclaration finale, je
suppose qu’elles ne vous posent pas de probleme. Bien.
La derniere question a traiter est le sujet de la
prochaine rencontre. Monsieur le Président Mironov propose
que nous élargissions le sujet afin qu’il ne concerne pas uniquement
des pays membres de l’Union européenne mais le processus de
l’intégration dans son ensemble. Certains membres de notre
association pourront ainsi se lancer pleinement au débat.
Seriez-vous d’accord avec une telle précision?
C’est Monsieur le Président Pastusiak qui
demande la parole.
Monsieur Longin Hieronim Pastusiak, Président du
Sénat de la République de Pologne:
Monsieur le Président, je crois la proposition de
Monsieur Mironov acceptable. Je suggere que l’on ne considere
pas ce sujet comme le seul pour la 6e réunion, mais qu’on
le prenne séparément, comme un deuxieme theme de nos débats. Je ne
vois pas de contradiction entre ma proposition concernant le rôle
des parlements nationaux, notamment des sénats au sein de l’UE, et
des sénats nationaux par rapport au Parlement européen, alors que la
proposition de Monsieur Mironov concerne le sujet de
l’intégration européenne. Je crois qu’on peut l’accepter, c’est un
élargissement du premier sujet, mais je considere qu’il doit s’agir
de deux themes qui figureront séparément a l’ordre du jour de notre
sixieme réunion. Je le répete, il pourrait s’agir la de nos deux
sujets principaux.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Je vous remercie. Monsieur le Président
Mironov demande la parole. Excusez-moi de ne pas l’avoir
remarqué plus tôt.
Monsieur Serguei Mironov, Président de
l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie:
Monsieur le Président, chers collegues, nous
devrions parler des problemes des parlements nationaux au sein de
l’Union européenne, ce qui est acceptable pour la Russie. Cette
formulation étant assez large, nous pourrions présenter une
contribution portant justement sur ces aspects–la. Tous les pays
fédérés dans notre association et les membres de l’Union européenne
pourraient parler des problemes auxquels ils sont confrontés dans
l’UE. Cette formulation, je crois, permettrait des interprétations
extensives ou plus étroites.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Je vous remercie. Votre contribution constructive
concerne les chefs des secondes chambres car vous allez a la
rencontre les uns des autres. Le concept « d’intégration européenne
» comprenant l’Union européenne comme processus d’élargissement, je
crois que nous pourrions nous mettre d’accord sur cette formulation.
Je prie Monsieur Sušnik, Président de la seconde chambre de
Slovénie, de prendre la parole.
Monsieur Janez Sušnik, Président du Conseil
national de la République de Slovénie:
Mesdames et Messieurs, je propose que nous
ajoutions a la déclaration d’aujourd’hui la mention déja soulevée du
rôle et de l’importance du traité constitutionnel et du rôle des
parlements nationaux dans l’Union européenne, de la mise en ouvre
des principes de proportionnalité et de subsidiarité conférant aux
parlements nationaux la compétence de se pencher sur les questions
européennes, et aussi l’opportunité de confier le débat de ces
questions aux deux chambres.
Nous pourrions formuler ceci et le coucher sur le
papier. Une fois la formulation prete, nous vous la
soumettrons.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Je vous remercie. Nous allons consacrer la derniere
partie de cette réunion a ce probleme justement. Je vais essayer
d’ouvrir ce sujet et nous verrons si nous sommes en mesure de
parvenir a un point de vue commun.
Avant de lever la séance pour la pause café,
j’aimerais vous demander une chose.
Si vous appréciez notre hospitalité, je vous prie
de bien vouloir répondre a l’enquete qui vous a été distribuée.
L’objectif est de recueillir vos impressions quant au déroulement de
la réunion de Prague et son apport majeur, de votre point de
vue.
Vos réponses sont destinées aux lecteurs de la
revue « Sénat » qui apporte régulierement des informations
sur l’activité de notre chambre au large public et dont nous
souhaitons consacrer un supplément a la présente réunion.
A présent je vous invite a prendre le café qui sera
servi dans les salons Frýdlantský et Jièínský.
Nous nous retrouverons ici a 16h30, soit dans un
quart d’heure.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Chers collegues, nous entamons la derniere heure de
nos débats. Pendant la pause qui a pris un peu plus de temps que
prévu, nous sommes parvenus a intégrer les remarques de certains
d’entre vous concernant la déclaration finale a la satisfaction de
chacun et, j’espere, sans en perturber le contenu.
Le seul probleme, c’est que ce texte existe
seulement en anglais. Mais il y a peu d’amendements, j’espere qu’au
cours de cette derniere heure nous saurons tous dire OUI ou NON. Je
répete: tous les amendements ont été acceptés sans perturber pour
autant la logique du texte.
Quant aux mentions concernant le theme de la
prochaine rencontre, suite aux entretiens que j’ai eus, pendant la
pause café avec MM. Mironov, Pastusiak et Poncelet, le sujet
est désormais formulé comme suit: « Le rôle des sénats au sein de
l’Union européenne et dans le cadre de l’intégration européenne
». Nous avons ainsi réduit la notion des « parlements nationaux
» aux seuls sénats. Par contre, nous avons étendu l’Union européenne
a la construction de l’Europe. Je crois que cette version peut tous
nous satisfaire.
Y a-t-il d’autres remarques concernant la
déclaration finale?
Comme adjonction, la proposition de Monsieur
Sušnik, Président du Conseil national de la République
slovene: « Nous soulignons la signification et le rôle des deux
chambres dans l’examen des questions importantes pour les parlements
nationaux, en relation avec l’Union européenne, comme prévu dans le
projet de Traité constitutionnel pour l’Europe ».
Toutefois, il faut prendre en considération que
nous nous référons uniquement au projet du Traité constitutionnel.
Et maintenant nous allons parler des changements que certains
d’entre nous voudraient voir apporter au texte de celui-ci. Je ne
suis pas sur de pouvoir nous référer a un texte que nous souhaitons
amender.
Qu’en pensez-vous, Monsieur le Président
Sušnik ?Je vous en prie.
Monsieur Janez Sušnik, Président du Conseil
national de la République de Slovénie:
C’est notre point de vue, notre opinion. J’aimerais
qu’il soit adopté mais je suppose qu’il y aura encore une discussion
ouverte sur la proposition finale.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Exactement, Monsieur le Président, revenons-y a la
fin de nos débats. Nous empiétons toujours davantage sur le temps
qui nous reste pour cette discussion. Je vais introduire le sujet
suivant.
C’est pratiquement devenu une habitude de se
prononcer, en conclusion des réunions de l’Association, sur les
questions d’actualité. Vous avez donné votre accord préalable pour
que nous effleurions la question des résultats de la Convention a la
lumiere de la Conférence intergouvernementale qui vient de s’ouvrir
a Rome.
Quels points pouvons-nous évoquer pendant la
discussion? Je ne suis nullement en droit de vous limiter dans les
sujets a traiter, aussi vais-je tout simplement mentionner ce qui
est passionnément discuté en République tcheque.
Notre Sénat, et peut-etre les secondes chambres
d’une maniere générale, apprécient la possibilité d’un second
regard, d’une réflexion complémentaire, d’un examen apaisé. Sans
vouloir prolonger la conférence intergouvernementale, nous estimons
qu’il ne faudrait pas aligner son échéance a celle de la présidence
italienne. La seule date butoir, c’est le 1er mai prochain. Je le
répete, il ne s’agit pas de souhaiter que cette conférence se perde
en atermoiements mais je ne vois pas pourquoi elle ne pourrait pas
se terminer en janvier par exemple, si besoin il y a.
Selon moi , un argument plaide en faveur d’une
telle réserve de temps: la Convention a été conçue comme un groupe
de travail de la CIG, censé tenter une définition plus explicite,
plus précise de ce qu’est l’Union européenne. Il n’était pas du tout
sur qu’un tel cahier des charges puisse aboutir, on a meme admis la
possibilité d’un échec. Nous aurions pu etre confrontés a un tel
résultat sans le considérer comme une tragédie.
Pourtant, ayant fait preuve d’application,
d’ambition et meme d’une certaine unité, la Convention est parvenue
a soumettre un texte qui, a juste titre, peut etre qualifié de
Traité instituant une Constitution pour l’Europe. En cela, elle a
réalisé bien davantage de ce qu’on aurait pu, tres réalistement, en
espérer. J’aimerais que vous compreniez mon propos comme un jugement
positif et non pas comme une critique de la Convention.
D’autre part, il faut comprendre que nous avons
affaire a un texte d’une portée plus grande que prévue. Tenir a ce
que l’on y change rien ou presque rien, ne correspond pas au cahier
des charges réaliste d’origine. Telle est l’opinion générale qui
prévaut en République tcheque.
J’estime que les secondes chambres que vous
représentez ici, ont d’ordinaire le sens d’un deuxieme regard, d’une
forme de recul, la capacité d’apprécier les problemes sous un angle
différent, dans une autre optique. En notre qualité de pays hôte,
nous aimerions connaître vos réactions aux questions suivantes: la
conférence intergouvernementale doit-elle d’emblée, par elle-meme
limiter sa durée et ne pas exploiter le temps dont elle dispose?
Tenir a ce que le projet de la Convention ne puisse etre amendé que
dans quelques détails négligeables répond-il a son importance?
Par ailleurs, je dirais qu’il convient aux secondes
chambres d’etre perspicaces en matiere d’équilibre entre les
pouvoirs qui, dans l’intéret du maintien de la liberté, ne doivent
pas etre trop concentrés. Je ne suis pas certain que la proposition
d’un passage, pour la prise de décisions, de l’unanimité du Conseil
a la majorité qualifiée ne renforce pas trop l’exécutif au détriment
des parlements nationaux. Dans un tel systeme, ces derniers jouent
certes le rôle d’institutions informées, mais non pas celui
d’organes de décision.
Nous allons attaquer le processus de ratification.
Il nous faudra convaincre l’opinion publique ou la majorité
constitutionnelle des deux chambres que notre position, le poids de
nos voix, ne se détériorera pas par rapport au Traité de Nice. Nous
aimerions expliquer cela lors de la conférence intergouvernementale
afin d’en convaincre les autres. Non pas tous, car si je ne m’abuse,
15 pays sur 25 partagent notre point de vue. Je me permets de vous
demander si c’est cela ce que vous pensez ou bien si vous pensez le
contraire.
J’ouvre la discussion. Le premier intervenant
inscrit sur la liste, c’est Monsieur Lamberto Dini,
Vice-président du Sénat italien, homme politique européen chevronné,
auquel succédera Monsieur le Président Pastusiak.
Monsieur le Vice-président, vous pouvez prendre le
micro a votre place.
Monsieur Lamberto Dini, Vice-président du Sénat
de la République italienne:
Je ne veux certainement pas me précipiter sur le
contenu du projet de constitution, ce que les chefs d’Etat peuvent
toujours améliorer, mais les membres de la Convention – et j’en suis
– estiment que le résultat des débats de la Convention a Bruxelles
est le plafond de ce que l’on peut obtenir par consensus au sein de
la Convention. Nul membre de gouvernement n’a été entierement
satisfait des compromis dont nous sommes convenus. Tous ont du
modifier leurs vues et priorités et chacun a du tenir compte des
options des autres. C’était le maximum de ce que l’on pouvait
obtenir par consensus. La convention a déployé de grands efforts
pour présenter le texte du Traité établissant une constitution
européenne, sous forme de différentes alternatives ou options, ou
bien en tant que projet unitaire.
Il appartient, bien évidemment, a la conférence
intergouvernementale de faire le point sur la version présentée. Je
crois que tous les pays membres et candidats sont convenus et ont
fait comprendre qu’il s’agissait d’une bonne base pour ce traité
constitutionnel. La question se pose, bien sur, du temps dont nous
disposons d’ici a la clôture de cette conférence
intergouvernementale. Je ne pense pas que cela puisse etre la fin du
moins de mai prochain, l’échéance maximale serait février prochain,
car la Commission a Bruxelles a signalé qu’il lui faudrait quatre
mois pour traduire dans les langues respectives la version
définitive approuvée par la conférence intergouvernementale. Il faut
faire tout cela avant le 1er mai et, surtout, avant les élections au
Parlement européen prévues pour le13 juin. D’ici la, la constitution
européenne doit etre parachevée, pour que les citoyens sachent ce
sur quoi ils se prononceront, a savoir l’avenir de l’Europe tel
qu’en sont convenus les Etats membres.
La présidence italienne est confrontée a une
mission peu aisée. Elle doit veiller a ce que soit adoptée une
démarche rapide conduisant vers une entente sur le traité
constitutionnel. D’un point de vue tactique – tous les amendements
nécessitant un vote unanime – il est impossible de réaliser un
amendement, aussi minime soit-il, si un seul Etat membre vote
contre. Nous sommes ici tenus a l’unanimité, ce qui implique que la
présidence italienne – c’est tout du moins ce qu’elle nous a fait
comprendre – soumette des amendements a condition d’avoir la
certitude d’etre soutenue par la plupart des pays membres. En
l’absence d’une telle garantie, elle ne les présentera pas. Seront
donc soumis et discutés les seuls amendements pour lesquels le bon
sens permet de supposer le consensus, l’unanimité. J’estime que la
procédure choisie est raisonnable et nous convient au regard des
échéances et de la pression sous laquelle chaque présidence sera
obligée de fonctionner. Aujourd’hui, ce sont les Italiens, a partir
du 1er janvier, ce sera le tour des Irlandais. Je vous remercie,
Monsieur le Président.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Monsieur le Vice-président, je vous remercie. Ce
que vous avez dit devrait contribuer a nous apaiser. Vous parlez
d’une bonne base de travail et en cela, vous rendez bien la
caractéristique majeure de ce document. Vous avez parlé de février.
Bien évidemment, j’échange volontiers ce terme contre le mois de
mai. Toutefois, lorsque je parlais de mai, j’avais a l’esprit le
souhait que nous ne définissions pas une date liée a des éléments
extérieurs, qui ne découlerait pas de la logique du processus
d’examen du projet dans son ensemble. Si nous le faisions, alors
nous choisirions sans doute le 31 décembre de cette année. Pour
votre part, vous évoquez donc février. C’est la un terme possible en
effet, qui peut tout aussi bien etre ramené a janvier. Assurément,
la responsabilité de la présidence italienne est énorme. Nous en
sommes conscients, tout en souhaitant se voir concrétiser certaines
de nos conceptions. Nous croisons cependant les doigts en espérant
vous voir parvenir a maîtriser ce processus avec diplomatie.
Je vous remercie de votre intervention. C’est a
présent Monsieur Pastusiak qui va prendre la parole. Le micro
est a disposition.
Monsieur Longin Hieronim Pastusiak, Président du
Sénat de la République de Pologne:
Je souhaitais dire que la Pologne se joint a la
conférence intergouvernementale de Rome avec l’espoir que la
conférence se déroulera rapidement et sans écueil majeur. Bien
entendu, cette célérité ne doit pas etre obtenue aux dépens de la
qualité du traité constitutionnel. Nous sommes d’avis que la
majorité des dispositions qui forment le traité constitutionnel sont
bonnes et peuvent contribuer a davantage d’efficacité, de démocratie
et de transparence pour l’Union européenne.
Néanmoins, nous pensons également qu’au moins 10
articles du traité font l’objet de certaines réserves de la part des
participants a la conférence de Rome. Ces réserves ont été exprimées
aussi bien par des Etats membres de l’UE que par des pays en passe
d’adhérer.
En ce qui concerne le Parlement polonais et plus
concretement le Sénat polonais, ce dernier a joué un rôle tres actif
dans la définition de la position polonaise sur l’ensemble de cette
thématique. Les deux chambres ont, indépendamment l’une de l’autre
adopté une résolution en vertu de laquelle il reviendra a la
délégation polonaise de soumettre au moins quatre questions lors de
la conférence intergouvernementale. L’une d’entre elles est relative
a l’inclusion d’une référence aux racines judéo-chrétiennes dans le
préambule. Une seconde porte sur la présidence de l’Union. Nous
sommes pour notre part en faveur d’une présidence collégiale de
quatre Etats, désignée pour une période de deux ans. Concernant la
troisieme question, relative au vote, nous nous rapprochons de la
position de l'Espagne, car nous estimons que le consensus de Nice a
été atteint avec beaucoup de difficulté et qu’a ce titre, un
changement ne saurait etre envisagé qu’apres une plus longue
période, sur la base des conclusions qui seront tirées de la maniere
dont fonctionne le systeme décidé par les Etats a Nice. La quatrieme
question porte sur le nombre de commissaires. Nous défendons l’avis
que chaque pays devrait vraiment pouvoir disposer d’un commissaire
de plein droit, a meme d’exercer pleinement son droit de vote.
Demeure ensuite le theme de la politique de défense
et de sécurité commune. Nous considérons que toute structure
militaire ou de défense susceptible d’etre mise en place dans
l’avenir au sein de l’Union européenne, ne saurait en aucun doubler
celles de l’OTAN ou se poser en rivale de cette derniere. Nous
sommes tout a fait en faveur d’un pilier militaire pour l’Union
européenne, néanmoins nous estimons en la matiere nécessaire une
coopération avec d’autres pays.
Nous sommes également préoccupés par la question
des alliances restreintes au sein de l’Union européenne, dans la
mesure ou celles-ci pourraient mener a l’existence de deux
catégories d’Etats membres. Tout comme une femme ne peut etre
partiellement enceinte, la sécurité d’un pays ne peut etre
partielle, elle non plus. Aussi, nous estimons que la création de
quelque sous-structure ou sous-alliance que ce soit, au sein d’une
éventuelle future structure européenne de sécurité ou de défense,
constituerait une démarche peu souhaitable.
Permettez-moi en conclusion de souligner que c’est
la question de savoir si nous devons ratifier le traité
constitutionnel par la voie référendaire ou bien s’il devrait etre
ratifié par le parlement, qui agite en particulier le Parlement
polonais. A titre personnel, je suis opposé a l’option du
référendum, dans la mesure ou elle donnerait la possibilité a
certains démagogues de tenter de convertir l’opposition de certains
avec telle ou telle disposition du traité en votes contre
celui-ci.
Pour cette raison, je considere que c’est au
Parlement qu’appartient la décision finale. Toutefois, selon la
constitution polonaise, une majorité des deux tiers serait requise
dans les deux chambres, ce qui implique qu’il nous faudra obtenir
également des voix de l’opposition. Or, si la délégation polonaise
revient de la conférence intergouvernementale de Rome sans avoir
obtenu des compromis concernant ses revendications, il sera alors
extremement difficile de convaincre l’opposition de soutenir le
processus de ratification. C’est la pour nous un motif de crainte.
Je vous remercie de votre attention.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Je vous remercie, Monsieur le Président. Pour ce
qui releve de la question de la ratification, nous nous trouvons
dans une situation tout a fait identique en République tcheque.
Monsieur le Président du Sénat français,
Christian Poncelet, souhaite prendre la parole.
Monsieur Christian Poncelet, Président du Sénat
de la République française:
Oui, Monsieur le Président. La conférence
intergouvernementale s’est ouverte a Rome le 4 octobre, de cela nous
sommes surs, mais nul ne peut aujourd’hui prédire lorsqu’elle
s’achevera. C’est la la raison qui me pousse a dire en toute amitié
a nos amis italiens combien leur échéancier, qui prévoit de clore
les débats d’ici la fin de l’année, est excessivement optimiste, eu
égards aux résultats du sommet des chefs d’Etats qui s’est déroulé
le 4 octobre.
Compte tenu de l’ampleur des themes abordés et du
fait que quelques Etats membres connaissent de grandes difficultés –
que l’on vient d’évoquer -, lors des discussions concernant
l’adoption du projet de constitution, il est absolument nécessaire
que nous prenions le temps nécessaire pour bien préparer ce projet.
Compter avec une clôture des travaux aux alentours des 15 – 20
novembre constitue une perspective acceptable, compte tenu du fait
que les nouveaux membres integreront l’Union européenne le 1er mai.
C’est la un horizon réaliste, rien ne presse.
En ce qui concerne les changements susceptibles
d’etre apportés au projet, nous devrions nous contenter de
changements a la marge, sachant combien cette constitution, préparée
avec tant de soin par les 105 conventionnaires, n’a obtenu ce
consensus qu’au terme d’un long dialogue. J’ai le sentiment qu’il
est extremement important de ne pas porter atteinte a ce fragile et
subtil équilibre, sans quoi nous courrons le risque de faire
s’effondrer l’ensemble de ce que nous avons mis tant d’efforts a
édifier. Nous ouvririons la la boîte de Pandore.
J’ai conscience que pour ce qui a trait au rôle des
parlements nationaux, le projet de constitution demeure perfectible.
Bien évidemment, notre ambition initiale allait beaucoup plus loin,
mais le minimum est la, et constitue un authentique progres par
rapport a la situation qui prévaut aujourd’hui, puisque les
parlements nationaux prendront part au contrôle de l’application du
principe de subsidiarité. Ceci est de la plus grande importance,
dans la mesure ou il sera possible d’avertir a temps de l’existence
de certains problemes et de se tourner vers la Cour de justice
européenne. Cette constitution est une affaire d’hommes et si nous
la remettions en cause, cela constituerait un risque majeur,
puisqu’il en va de l’intégration européenne.
Aussi, j’insiste ici une nouvelle fois pour qu’il
ne soit pas apporté de grands changements a ce projet de projet, car
cela engendrerait de l’incompréhension dans certains pays, parmi
certaines nations, et bloquerait l’intégration européenne.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Je vous remercie, Monsieur le Président. Le
Président du Sénat belge demande la parole; Monsieur De
Decker.
Monsieur Armand De Decker, Président du Sénat du
Royaume de Belgique:
Je vous remercie, Monsieur le Président. Je pense
que le theme auquel nous nous consacrons a présent est capital et
nous le sentons tous, sitôt que nous l’abordons. Je souhaiterais
attirer votre attention sur un fait qui me paraît fondamental.
Pour la premiere fois dans l’histoire de
l’intégration européenne, l’Union européenne se trouve face a un
projet de constitution, qui n’a pas été négocié exclusivement par le
biais des canaux diplomatiques, mais par des représentants
politiques et des membres de nos parlements, de nos gouvernements,
ainsi que des représentants de la société civile, sous la présidence
de Monsieur Giscard d’Estaing. Les 105 membres de la
Convention sont parvenus a un texte cohérent. Naturellement, ce
texte ne répond pas a tous les espoirs de chaque Etat pris
séparément. Le contraire eut été plus qu’étonnant, cela eut été un
miracle. Mais ce texte existe, aujourd’hui et il a été négocié par
nos collegues.
A nouveau, j’attire l’attention de Monsieur
Pastusiak sur un aspect également souligné par Monsieur
Dini, a savoir qu’il sera nécessaire, pour parvenir a une
solution et au terme de la conférence intergouvernementale, que tous
les Etats membres et leurs gouvernements se prononcent de maniere
unanime.
Je déplore également que les Européens n’aient pas
trouvé de résolution suffisante pour définir leurs origines. Je ne
pense pas qu’il soit judicieux d’affirmer que ces racines sont
uniquement judéo-chrétiennes, car elles sont aussi gréco-romaines et
fondées sur le Siecle des Lumieres. Je déplore aussi que l’idée de
Monsieur Giscard d’Estaing de convoquer un congres des
nations d’Europe n’ait pas rencontré le succes qu’elle méritait. En
effet, la prochaine thématique que nous aborderons au cours de
l’édification d’un projet politique pour l’Europe et a laquelle nous
autres Belges tenons tout particulierement, concerne la souveraineté
des Etats. Il s’agira la de justice, de sécurité intérieure, de
politique étrangere, d’une part, mais aussi de la politique commune
de sécurité et de défense, d’autre part. Dans ces deux domaines,
nous n’envisageons aucun progres si les membres des parlements de
nos Etats ne se réunissent pas dans quelque cadre ou assemblée que
ce soit, ou il leur sera possible d’échanger leurs points de vue.
Pour cette raison, je regrette que la proposition d’un tel congres
n’ait pas été retenue dans le projet de la Convention.
Vous savez que la Belgique est fédéraliste, quant a
son projet européen. Or, comme l’envisage la Convention, on renforce
a travers ce projet le Conseil, aux dépends de la Commission. Ceci
nous paraît dommageable, cependant, en dépit de ces trois réserves
de base, je plaiderais néanmoins en faveur d’une adoption du
résultat obtenu par la Convention, car si nous voulons porter
atteinte a l’équilibre auquel elle est parvenue, nous endosserons la
responsabilité d’un échec considérable.
Vous savez combien nous aurions été heureux, en
Belgique, si nous avions été en mesure d’approfondir la question des
institutions européennes avant que n’intervienne l’élargissement,
tant nous avons a cour un projet politique. Aussi, vous comprendrez
que les mots que je prononce ici revetent une certaine gravité, au
regard de la démarche politique que nous appliquons.
Avant de parvenir au terme de mon discours, je
voudrais dire a mes collegues polonais que je ne comprends guere
leur réserve vis-a-vis de la politique européenne de sécurité et de
défense. Elle figure déja dans les traités de Maastricht et
d’Amsterdam et fait partie de l’acquis communautaire. De plus,
renforcer cette sécurité ne signifie pas que nous affaiblissons la
coopération atlantique. Pour nous, il s’agit la d’un acquis
fondamental qui devrait etre débattu lors de la conférence
intergouvernementale et certains éléments positifs ont déja été
repris par la Convention.
Ces sont la les quelques considérations que je
souhaitais exposer devant vous avant de devoir malheureusement vous
quitter.
Monsieur Petr Pithart, Président du Sénat du
Parlement de la République tcheque:
Nous savons, Monsieur le Président, que vous allez
devoir prendre congé, mais nous vous remercions de cette
intervention. Sans doute que se profilent a présent clairement les
Charybde et Scylla entre lesquels il nous faut mener
notre barque. D’une part, ainsi que l’a une nouvelle fois souligné
Monsieur De Decker, ce fragile équilibre et l’indispensable
unanimité de tous les participants a la conférence
intergouvernementale. Mais, d’autre part, le risque d’un échec lors
du processus de ratification, que nous-memes – j’entends que les
Polonais aussi (dans la salle), considérons comme sérieux. Il n’est
nullement question pour nous de nous imposer a tout prix, ni de
semer la discorde, mais de ne pas craindre pour l’issue du processus
de ratification dans nos pays respectifs.
Mesdames et Messieurs, qui souhaite a présent
prendre la parole? Personne? Je pense que nous avons vraiment dit
l’essentiel de ce que nous avions a dire et que nous sommes
conscients des risques face auxquels nous nous trouvons.
A présent cependant, une derniere proposition, qui
n’est pas nouvelle. J’ai déja mentionné ici la proposition émise par
le Président du Conseil national de la République slovene, Monsieur
Janez Sušnik, qui vous a transmis son texte. Ici, a la table
de la présidence, nous pensons que nous pourrions résoudre la
question de cette maniere: en ajoutant au terme de la déclaration
finale que nous avons déja adoptée par un silence approbateur, la
formule suivante: „Les chefs de délégation des Etats membres et
candidats de l‘UE soulignent que…“. Le texte serait formulé de
cette maniere car il n‘implique pas tous les participants a cette
réunion, mais seulement les chefs de délégation des sénats des pays
candidats et postulants. Il ne concerne pas nos collegues de Suisse,
de Bosnie-Herzégovine ou de Russie.
Monsieur le Président Sušnik, seriez-vous
d‘accord avec cette adjonction au texte de la déclaration finale?
Monsieur le Président acquiesse, je l‘en remercie.
Par cet ultime OUI, nous avons achevé notre
rencontre. J‘éprouve intérieurement une certaine satisfaction. Nous
avons vraiment appris beaucoup. Nous sommes heureux que vous ayiez
apprécié tant le theme retenu pour cette rencontre que
l‘organisation de cette derniere et je vous remercie d‘etre venus a
Prague. Saluez de notre part vos collegues au sein de vos sénats et
sachez que nous nous réjouissons de vous revoir a Varsovie, Monsieur
le Président Pastusiak.
Au revoir et bonne nuit!
Annexe:
Contribution écrite de Monsieur Hans Anger,
Président du Conseil fédéral de la République d’Autriche a propos du
« Rôle des parlements nationaux dans la future constitution
européenne ».
Si nous abordons aujourd’hui dans le cadre de ce
forum - trois jours apres l’ouverture de la conférence
intergouvernementale de Rome, le 4 octobre -, la question du rôle
des parlements nationaux dans la future constitution européenne,
permettez-moi de faire le constat suivant: l’adoption du traité
constitutionnel marquera pour l’Europe la fin d’une phase dans le
processus d’unification européen. Je suis convaincu que son
élargissement et son approfondissement, de concert avec une nouvelle
constitution représentent un tournant dans l’histoire de
l’intégration européenne.
La constitution assigne une fonction centrale aux
parlements nationaux dans la future architecture de l’Europe, en
tant que porteurs de la légitimité démocratique au sein de l’Union.
La question de la position des parlements nationaux, éventuellement
de leur rôle dans la future architecture européenne constituent de
ce fait une part importante du contenu des débats. La part
essentielle des parlements nationaux au destin de l’Europe réside
dans la promesse d’un rapprochement avec les citoyens et d’une
remise en cause de ce déficit démocratique et de légitimité tant
discuté et qualifié entre autre de « déparlementarisation ». Cela
signifie que les parlements nationaux ont perdu au cours de
l’intégration des prérogatives quant a l’élaboration des lois, qui
n’ont pas été intégralement transférées au Parlement européen.
Tandis que par le passé, c’est l’élargissement des compétences du
Parlement européen qui semblait en mesure de contrer de déficit
démocratique, on tend aujourd’hui a voir le meilleur chemin en ce
sens dans le renforcement des parlements nationaux. Aussi, le rôle
futur des parlements nationaux en Europe constitue également un
point décisif dans les discussions et les explications liées au
futur de l’Union européenne.
Je me félicite que le Protocole sur les parlements
nationaux et celui sur la subsidiarité consacrent de maniere
effective dans le cadre du traité constitutionnel, le droit
d’actions communes des parlements nationaux et du Parlement
européen. Cette coopération doit permettre une meilleure circulation
de l’information, un acces des parlements nationaux a l’information
dans des délais rapides, ainsi qu’une coopération des commissions du
Parlement européen avec les commissions correspondantes au sein des
parlements nationaux. De cette maniere, non seulement la qualité de
la législation peut considérablement s’améliorer, mais on est en
outre susceptible de parvenir a un contrôle plus efficace des
parlements sur les gouvernements nationaux.
Toutefois, il demeure un probleme, quant a ce
concours des parlements nationaux a la légitimation de l’action
européenne. Celui-ci a trait au fait que leurs membres sont a la
base élus pour l’exercice de fonctions nationales et non
européennes. Ceci peut entraver l’émergence d’un intéret commun
européen, si ne sont pas créées les institutions capables de
permettre une communication transfrontaliere.
En ce sens, j’apprécie vivement les efforts visant
a intensifier la coopération interparlementaire et a l’asseoir sur
des bases pragmatiques, ce a quoi concourt l’idée d’envisager en
terme de complémentarité les parlements nationaux et le Parlement
européen. Cette complémentarité ne peut s’avérer qu’a travers une
mutuelle information et une discussion commune sur les contenus
actuels de la politique. Je considere comme tres importante la mise
en place de mécanismes permettant d’avertir a temps les parlements
nationaux lors des processus législatifs, afin que ceux-ci soient en
mesure de forger une position quant a la conformité des propositions
de lois et reglements en question avec le principe de subsidiarité.
Cela, au sens d’un avis émis ex - ante, sans que cela
n’induise une obstruction ou un ralentissement du processus
législatif.
En outre, en tant que Président d’une seconde
chambre fédérale, je retiens tout particulierement le droit qui est
accordé a chaque chambre d’exprimer sa position, et la possibilité
qu’elles se voient offrir de se tourner vers la Cour de justice
européenne, dans le cas ou l’on empiéterait sur leurs
compétences.
Je vois dans chaque forme d’échange d’information
entre les parlements une possibilité de mettre en valeur la capacité
des parlements nationaux a se meler des dossiers européens, a en
améliorer le traitement, tout en approfondissant le contact avec les
citoyens. L’Europe vit grâce a la confiance, a l’adhésion et au
soutien de ses citoyens. L’Europe ne doit pas etre perçue comme
anonyme et opaque. L’ensemble des parties prenantes ont ici devant
elles une tâche considérable, a la lumiere de la nouvelle
constitution européenne: celle de mobiliser les populations et de
renforcer la sensibilité aux questions européennes. Saisissons
ensemble cette chance.
Note de l’éditeur:
La notation des débats s’appuie sur le sténogramme
revu et corrigé de la journée du 7 octobre 2003. Par ailleurs, nous
avons repris les contributions écrites des chefs de délégation, qui
développent le sujet principal des débats. Le sténogramme demeure
inchangé la ou les rapports écrits faisaient défaut ainsi que dans
les cas ou ils ne correspondent pas au discours prononcé en
définitive. Il devient par ailleurs la seule source pour reproduire
la discussion libre au sujet du déroulement et des objectifs de la
conférence intergouvernementale de Rome. J’estime que nous apportons
ainsi un maximum d’informations au lecteur sans porter atteinte au
sens des différentes allocutions.
Le recueil paraît dans une version tcheque et une
version en langues anglaise et française.
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Jan Kysela pour le secrétariat
de la 5e réunion de l’Association des Sénats
d’Europe | |